Pour la première fois en France, un comité de collectionneurs pour la photographie a été créé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en janvier 2014. Plus de 20 membres enthousiastes l’ont déjà rejoints, désireux de contribuer à l’enrichissement de la collection du musée. Pour sa première année, ce groupe a fait l’acquisition d’un ensemble d’œuvres importantes, actuellement exposées dans les collections permanentes : douze œuvres d’Eric Poitevin, choisies en concertation avec lui, dont six font partie de ses rares premières séries en noir et blanc sur les Sous-bois (1991), trois oiseaux suspendus, et trois récentes herbes sèches. Un portrait de Ballo, le fameux styliste des soirées de Bamako, par Malik Sidibé, dans un tirage exceptionnel (un vintage de grande taille). Deux œuvres de Walid Raad, artiste libanais essentiel qui n’était pas encore représenté dans les collections du musée, avec une série de photographies et une vidéo qui cristallisent à elles seules l’essence même de son travail sur l’histoire contemporaine de son pays. Et enfin, heureuse surprise — car cette acquisition est l’œuvre d’un seul mécène —, le fonds d’atelier d’un photographe français des années trente injustement méconnu : Rémy Duval. Le bâtiment du musée, construit en 1937, constitue l’écrin idéal pour un tel ensemble. La beauté des tirages (Rémy Duval a fait ses débuts auprès de Laure Albin-Guillot), réalisés dans une gamme chromatique d’une incroyable finesse, le classicisme des sujets (nus, paysages, portraits, natures mortes) associé au modernisme du traitement font de ce photographe l’exemple type de ce que pouvait être au milieu des années trente la nouvelle photographie en France.
La ligne de conduite adoptée pour ce comité est la suivante : soutenir autant la scène française que la scène internationale, en partageant chaque année de manière équitable le budget qui est offert. Tous les ans, les acquisitions de ce comité feront l’objet d’un événement dans nos collections permanentes, comme on peut le voir actuellement dans deux belles salles consacrées à ces acquisitions. Il va de soi que le choix des œuvres est réalisé en fonction d’une collection existante, qu’il faut étoffer en gardant à l’esprit sa spécificité. Ainsi, l’histoire de la collection en général et celle de photographie en particulier constituent le noyau dur autour duquel se développeront les acquisitions, comme par exemple la photographie humaniste (ensemble Henri Cartier-Bresson), ou encore les débuts de la photographie plasticienne qui eurent lieu à l’ARC. D’autres pistes sont appelées à être suivies, car elles s’appuient sur la présence d’artistes isolés dans nos collections : c’est le cas de la photographie africaine (représentée jusqu’ici uniquement par Seydou Keita), ou japonaise.
Le musée est extrêmement reconnaissant à Christian Langlois-Meurinne, président de la Société des amis à l’initiative de ce brillant projet, Alexis Fabry, président éclairé de notre comité, dont l’enthousiasme a généré le regroupement de collectionneurs passionnés et passionnants, et chacun de nos membres, qui ont donné leur temps précieux pour prendre part avec ferveur aux débats, et qui ont fait preuve de convictions et d’une admirable générosité. Ils forment un groupe exceptionnel tant d’un point de vue professionnel qu’humain. Grâce à eux, c’est un nouveau chapitre de l’histoire de notre musée qui s’ouvre, une belle aventure qui commence, une nouvelle dynamique pour la photographie qui s’enclenche.
Emmanuelle de l’Ecotais
Chargée des collections photographiques – Musée d’art moderne de la Ville de Paris