L’histoire de Nan Goldin et New York remonte à 1977 quand, diplôme en poche, elle débarque dans l’ambiance vibrante de la méga-cosmopolito-pole américaine — drogue et rock and roll, punk et drag queens, quartiers déglingués et amis ou amants bientot flingués par le Sida, tous se retrouvent dans son intime série The Ballad of Sexual Depency. La légereté de l’époque s’est envolée avec ceux qui l’avaient vécue si violemment, mais avec Nan Goldin l’amour est resté : « My work has always come from empathy and love » (« Mon travail a toujours eu comme source l’empathie et de l’amour »), expliquait-elle a l’occasion de la sortie chez Phaidon de son livre Eden and After, une compilation poétique et tendre des portraits d’enfants qu’elle a pris depuis toujours comme pour capturer la naiveté qui s’évapore mais qu’elle refuse de perdre depuis ses 15 ans. The Ballad demeure son livre culte.
Hommage intime de la photographe à ses amis et ces inconnus à qui elle offrait le même œil sincère et entier au moment où ils disparaissaient, ce travail a été publié pour la premiere fois en 1986 par le même Aperture qui le republie cette année. Dans Camera, Jonas Cuénin en parle comme d’une « merveille urbaine […], un journal visuel à l’épreuve de son intimité et de l’entente entre ses amis, que Nan couve depuis Boston ». La troublante symphonie a fait bouillir le public d’Arles dans de chaudes larmes en 2009, quand The Ballad était projetée sur le grand écran des arènes et accompagnée par un concert live des Tiger Lillies. Pendant près d’une heure, la lancinante complainte sonore du trio anglais vibrait de la même magie macabre que la musique des Velvet Underground, cette même musique qui accompagnait la première projection de The Ballad au Whitney Museum de New York en 1985. La musique rendait d’autant plus palpable la narration musicale de The Ballad, ballade dont la partition est une orchestration d’images, ballade rythmée par les accidents d’une vie passionnée. Ce n’est pas pour autant un requiem, c’est au contraire la vie que Nan Goldin celèbre dans ce mouvement d’âmes exaltées dans leur expression la plus physique. Les peaux sont marqués autant que les yeux, par la fureur d’une vie libérée, les regards se perdent, se croisent, se creusent. Pour ceux qui ne l’ont pas déjà, cette nouvelle édition préserve intacte l’expérience de l’atemporelle ballade de Nan Goldin.
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