De l’oeuvre de Jean-François on ne retient souvent que quelques traits : studio, noir et blanc, portrait. La palette est évidemment plus large et plus nuancée. Ses recherches personnelles sur la représentation du visage et du corps dépassaient souvent le cadre de la photographie, en tous les cas l’emmenaient en dehors des schémas esthétiques traditionnels – le fait même de rapprocher portrait et nu brouille les codes – ; quant à son activité de formation assez peu orthodoxe dans les écoles et les stages, elle en a touché plus d’un. Et puis l’on ne sait pas toujours qu’il a fait partie de cette génération de photographes qui a participé activement, dès la fin des années soixante, à l’éclosion du langage publicitaire moderne – tout en réussissant en ce qui le concerne à imprimer un style très personnel -. En France, on n’aime pas trop les auteurs qui transgressent les genres : on est artiste ou artisan, on fait de la photographie commerciale ou l’on se positionne comme créateur. Jean-François ne se souciait guère de ces catégories, il ne se souciait pas non plus des mécanismes actuels de diffusion de l’art. Il jugeait seulement un peu trop envahissant l’intérêt que l’on porte en France au reportage sous toutes ses formes. Est-ce pour ces raisons qu’il n’a peut-être pas aujourd’hui la juste place qui lui revient? Quoi qu’il en soit, ce qui l’intéressait avant tout, c’était cette confrontation avec un sujet dans le cadre du studio, sans détour, sans complaisance ni concession ; et quelle que soit la personne photographiée. Ces derniers jours, dans les quelques moments de lucidité dont il disposait encore lors de nos si émouvantes conversations, il continuait d’évoquer cette préoccupation, pour ne pas dire cette obsession qui était la sienne : capter chez celui ou celle que l’on photographie un instant de vérité, de relâchement derrière les masques ou les tensions. Regardons ses portraits, et je dirais sa photographie en général, à la lumière de cette idéal qu’il s’était forgé. S’il n’est désormais plus là pour apporter un commentaire et y ajouter un trait d’esprit comme il aimait le faire, beaucoup de ses images parlent d’elles-mêmes.
Gabriel Bauret
Jean-François Bauret sera inhumé jeudi 9 janvier 2014 à Fontenay Mauvoisin dans les Yvelines. (Funérarium à 13h30, Cérémonie 14h30 à la grange de Fontenay suivi de l’inhumation au cimetière )
Au debut de l’année 2013, la galerie Baudoin Lebon a presenté l’exposition intitulee « Atelier Bauret – un esprit de famille ? » voici la video realisée par Claude Mossessian à cette occasion
http://vimeo.com/61826144
Quand Baudoin Lebon m’a demandé d’orchestrer une exposition consacrée à la famille Bauret, nous avons envisagé de réunir des oeuvres autour du thème de l’atelier. Avec, en ce qui me concerne, l’idée de montrer les photographies que Jean-François avait réalisées à la fin des années cinquante dans les ateliers des artistes que son père fréquentait. Cet ensemble précieux de témoignages, il l’enrichira par la suite à travers d’autres rencontres. Ce choix était une manière de dire comment a commencé son histoire avec la photographie, mais aussi de rendre hommage à notre père qui nous a guidés tous les deux et auquel Jean-François faisait régulièrement référence au cours de nos conversations. Aujourd’hui, Jean-François est parti et je suis en quelque sorte doublement orphelin, car il a été pour moi un autre père, celui qui m’a très concrètement ouvert les portes du monde de la photographie.
Pour plus d’informations sur l’exposition « Atelier bauret – un eprit de famille ? » :
http://www.baudoin-lebon.com/fr/expositions/presentationarchives/65/ateliers-bauret