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Polaroid, récits de l’intime

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Le Polaroid a depuis ses débuts étroitement lié sa fonction au souvenir de l’intime. S’invitant aux grands comme aux petits évènements familiaux, amicaux, en voyage ou à domicile, ce format réduit est un symbole de la capture d’un fragment. Fragment de vie, fragment d’émotion, il laisse au photographe la recherche d’une esquisse faite sur le vif, qui se partage quelques instants plus tard, lorsque l’image se dévoile après avoir été couvée au creux de la chaleur d’un dessous de bras ou de la rondeur d’une poitrine contre laquelle elle aura été placée pour encourager le processus chimique. Ainsi même dans son propre procédé de révélation, le Polaroid se glisse-t-il dans l’intimité de ceux qui le créent.

Peut-être est-ce pour cela que le Polaroid n’appelle pas au cadrage trop rigide, peut-être aussi est-ce parce qu’il est imprévisible. Bavures colorées, zones que la chimie n’aura pu bien atteindre, il n’est jamais tout à fait tel qu’on l’attend et semble à peine crée déjà vieilli. Il se fait l’avocat du refus du prévisible, du fini, du soigné, du léché. Mais s’attend-t-on réellement à autre chose qu’à cette exquise imperfection avec le Polaroid ?

Prises sur le vif, les images sont souvent légèrement décalées, faites dans un geste presque spontané. L’instant saisi au présent devient déjà objet souvenir qui rejoindra la petite boite, ou le mausolée mural de l’accumulation d’épisodes souvent aussi anonymes qu’anecdotiques. Dans un monde digitalisé, il représente désormais à lui seul la nostalgie d’une autre époque. Les souvenirs deviennent tangibles. Ils parlent de la connexion d’un humain à son époque et d’une manière de vivre ancrée dans le souvenir « organique ». Objet unique, souvenir unique. Le Polaroid a compris que si l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique offre ses avantages, sa particularité est sa précise singularité, elle-même fondamentalement liée à cet instant tout aussi unique qu’il a capturé.

Une exposition à la galerie &co119, à Paris, réuni cinq artistes contemporains qui utilisent le Polaroid comme façon de capter et de rendre « exceptionnel », dans leur choix de le fixer sur une image-objet, l’intime dans tout ce qu’il comporte de plus ordinaire et de banal. Le privé, initialement réservé au cercle des convives ayant assisté à sa création, passant physiquement de mains en mains, se montre alors aux yeux d’un public non averti. Il se donne en spectacle et se partage. L’objet-photo Polaroid, dans son immédiate imperfection, ouvre ainsi la voie à une sublimation de l’anecdotique qui permet aux photographes de réinventer la banalité et nous permet à nous, spectateurs, d’être les témoins et les complices d’une intimité mise en scène. Dansant, interrogeant, provoquant notre conception de l’intimité ordinaire, les images de Nobuyoshi Araki, Tokyo Rumando, Alex Marillat, Jeremy Stigter et Tom Bianchi présentées forment alors un dialogue aussi animé que poétique.

 

 

Polaroid, récits de l’intime
16 mars au 12 mai 2018
Galerie &co119
119 rue Vieille du Temple
75003 Paris
France

https://8co119.co/

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