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La vente de la collection de M. et Mme. X: un soufflé raté

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Alors que le chiffre annoncé de 2,3 millions d’euros de résultats (frais acheteurs inclus) ferait rêver n’importe quelle société de vente française pour une vacation de photographies, la dispersion de la collection de M. et Mme. X, estimée à plus de 4,5 millions d’euros, est loin du succès escompté. Parmi les 340 lots présentés (*), 224 (soit 66% du catalogue) n’ont pas trouvé preneur jeudi dernier à l’Hôtel Drouot.

Un enchérisseur décrit cette vente comme « s’inscrivant dans la continuité de l’activité du vendeur/marchand interrompue avant l’heure. Elle clôt un chapitre du marché du tirage ancien et annonce une nouvelle ère à venir. » Un autre acteur du milieu est plus sévère : « Cette vente ne relève pas de la prétention, c’est de la fatuité. Le vendeur a pris tout le monde pour des imbéciles, et il s’est fourvoyé. »

Il est certain qu’en refusant de nommer un expert et en laissant les vendeurs déterminer seuls le choix et la valeur des lots, Pierre Bergé et Associés sont responsables de leur propre échec. Philippe Garner, chef du département Photographie chez Christie’s, me confia un jour : « Notre tâche la plus importante est de gérer l’attente du vendeur. » Clairement, dans ce catalogue, l’attente était démesurée. On peut penser que M. et Mme. X ne souhaitent pas se séparer de leur collection.

Malgré une salle pleine, il y avait peu d’enchérisseurs. Les acheteurs et intermédiaires étaient tous connus. Les curieux et la presse se mêlaient aux collectionneurs, marchands et experts qui étaient venus observer cette dispersion historique. Ces derniers manifestaient une certaine inquiétude sur l’avenir d’un marché dont la clientèle d’initiés ne semble pas se renouveler. Cette angoisse s’est accrue au fur et à mesure des enchères, alimentée par les enchaînements de lots non adjugés.

La vente a démontré les limites du « système Drouot » où les enchères sont montées artificiellement juste en dessous de la réserve. Ainsi, la plupart des lots phares ont été adjugés à cette réserve au premier enchérisseur, ou ont été vendus dans les estimations, après une courte escarmouche.

Les enchères commencèrent avec difficulté, le 1er lot ainsi que les lots 7 à 12 furent ravalés. La salle ressentit un petit sursaut au lot 26, lorsque le Daguerréotype anonyme représentant un Tambo dans les Cordillères (estimation 70 000 / 90 000 euros) fut préempté par le Musée du Quai Branly à 65 000 euros. Puis l’ambiance se dégrada après que le lot 29, le très attendu portrait Daguerréotype de M. Huet, daté 1837, ne trouva pas d’enchérisseur.

Les acheteurs ont cueilli les plus beaux sujets, aux premiers prix, parmi la suite d’épreuves primitives assez inégales et estimées plutôt chères (Le Gray, Marville, Humbert de Molard, Salzmann, et Nègre).

Il a fallu attendre le lot 75, une riche épreuve au papier salé par Félix Teynard, pour assister à un vrai bras de fer, entre le collectionneur Serge Kakou et un téléphone tenu par Eric Masquelier. Ce tirage, représentant un temple d’Egypte et estimé 8 000 / 10 000 euros, a été remporté par la ténacité de l’amateur dans la salle pour la somme de 21 896 euros (frais compris).

Le lot ayant réalisé la meilleure enchère, un autoportrait de Gustave Le Gray posant dans le cloître de l’église Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech, (lot 101), dont il n’y avait pas d’estimation au catalogue, fut remporté par un marchand new-yorkais au téléphone pour 500 500 euros (frais compris). Étonnement, le lot suivant, une composition similaire avec autant de charme, mais sans la présence du photographe, donc moins importante historiquement, ne suscita pas d’intérêt au démarrage de l’enchère, soit 280 000 euros.

C’est à ce moment que la salle se vida de moitié. Le reste de la vente fut sans surprise, à part quelques préemptions : un lot de négatifs procédé Talbot d’Alphonse de Brebisson (lot 83) et un portrait d’Édouard Delessert d’Olympe Aguado (lot 147) par la Bibliothèque nationale de France ; un manuscrit d’Auguste Vacquerie (lot 96) et son portrait de François Victor Hugo (lot 98) par la Maison Victor Hugo et le « Jeune Noir de Tanger de face » attribué à Gustave de Beaucorps (la couverture du catalogue) par le Musée du Quai Branly.

Les lots moyens (moins importants historiquement ou de moindre qualité) restèrent invendus. Seul le lot 215, une magnifique épreuve de 1859 par Camille Silvy, a dépassé son estimation haute de 60 000 euros. Après une lutte acharnée entre deux téléphones étrangers jusque 90 000 euros, un marchand français dans la salle tenta un « jump bid » à 100 000 euros, puis s’arrêta net. L’épreuve a été adjugée à 104 000 euros (soit 131 684 euros avec les frais) à un des téléphones, vraisemblablement un mécène du Metropolitan Museum de New York. Le prestigieux musée américain, qui avait aussi un conseiller dans la salle, fut un des principaux acheteurs, profitant de cette vente pour acquérir, entre autre, le lot 222 (La Frayeur, Comtesse de Castiglione par Pierre-Louis Pierson et Aquilin Schad) pour la coquette somme de 313 600 euros (frais compris).

Dans la sélection de photographies modernes, seule la moitié des tirages de Sherril Schell, représentant la construction à New York, a réalisé ses estimations. Le nu d’Edward Weston a été adjugé en dessous de l’estimation basse (4 894 euros, avec les frais). Un tirage, pourtant rare, de Moï Ver, estimé 40 000 / 50 000 euros n’a pas eu une enchère. Dans le contemporain, on note la performance de Valérie Belin pour son tirage de la série Black Woman (10 304 euros frais compris).

Christophe Lunn

(*) L’album de l’Affaire Bonnot (lot 262) a été retiré de la vente. La Préfecture de Police de Paris en demande la restitution.

 

LES 10 MEILLEURS RESULTATS :

Lot 101 – Gustave le Gray et Auguste Mestral, Gustave Le Gray posant dans le cloître de l’église abbatiale Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech, 1851
Sans estimation. Adjugé : 400 000 euros (500 500 euros frais compris)

Lot 222 – Pierre-Louis Pierson et Aquilin Schad, La Frayeur, Virginie Oldoini, la comtesse de Castiglione, 1861-1864
Sans estimation (les enchères ont démarrée à 200 000 euros). Adjugé : 250 000 euros (313 600 euros frais compris)

Lot 215 – Camille Silvy, Ordre du jour, Armée d’Italie, 1859
Estimation : 40 000 / 60 000. Adjugé : 104 000 euros (131 684 euros frais compris)

Lot 26 – Anonyme, Un Tambo dans les Cordillères à la hauteur de 16.000 pieds, 1849
Estimation : 70 000 / 80 000 euros. Adjugé : 65 000 euros (83 090 euros frais compris). Préemption Musée du Quai Branly.

Lot 34 – Gustave Le Gray , Groupe de personnes au pied d’un chêne, forêt de Fontainebleau, 1849-1850
Estimation : 60 000 / 80 000. Adjugé : 50 000 euros (64 400 euros frais compris)

Lot 76 – Alphonse Delaunay, Alger, 1854
Estimation : 60 000 / 80 000. Adjugé : 50 000 euros (64 400 euros frais compris)

Lot 81 – Louis de Clercq, Rocher surplombant une rivière, Sud-Ouest de la France, 1860
Estimation : 60 000 / 80 000. Adjugé : 50 000 euros (64 400 euros frais compris)

Lot 35 – Gustave Le Gray et Auguste Mestral, Portail ouest de l’église Saint-Ours, Loches (Indre et Loire), 1851
Estimation : 50 000 / 60 000. Adjugé : 46 000 euros (59 248 euros frais compris)

Lot 39 – Gustave Le Gray et Auguste Mestral, Portail du transept sud, église Saint-Pierre, Aulnay (Charente-Maritime), 1851
Estimation : 50 000 / 60 000. Adjugé : 45 000 euros (57 960 euros frais compris)

Lot 40 – Gustave Le Gray et Auguste Mestral, Arcades du cloître de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac (Tarn-et-Garonne), 1851
Estimation : 50 000 / 60 000. Adjugé : 45 000 euros (57 960 euros frais compris)

 

VENTE AUX ENCHERES
Collection de M. et Mme X

Pierre Bergé & associés
Drouot-Richelieu (Salles 5 et 6)
9, rue Drouot
75009 Paris

Vente : Jeudi 19 mars 2015, à 14 h
www.pba-auctions.com

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