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La Grande Guerre, sous le regard ironique de Brian Griffin

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Invité à Béthune par le centre d’art LaBanque, le photographe britannique Brian Griffin a arpenté la ligne de front de la Première Guerre mondiale. À la recherche d’une mémoire, de traces et de souvenirs, son imaginaire s’est confronté aux plaines plates et champs de pommes de terre de l’Artois. Il dépeint d’un regard tendre la région, ses couleurs tendres et son histoire recomposée.

Les commémorations appellent des commandes parfois surprenantes. Dans la pléthore d’œuvres produites pour venir nourrir la mémoire, on en trouve certaines dénuées de lourdeurs. Celle de Brian Griffin est un exemple. Elle brille par son humour, propose des mises en scènes et natures mortes décalées et dialogue discrètement avec l’Histoire.

Si Béthune fut un nerf de la Grande Guerre, les trous et tranchées ont été comblés. Les paysans retrouvent parfois entre deux moissons des ossements. L’agriculture a recouvert l’Histoire et l’on exploite sur des fumeries sanglantes imaginées la pomme de terre. Mc Cain a là sa plus grosse entreprise en Europe.

Il n’y a plus rien à voir et tout à imaginer. Le présent recouvre le passé. Les impératifs de l’industrie, de la reconstruction, de la vie quotidienne ont gommé les marques de la guerre. Plutôt que de montrer ses transformations, Griffin se joue des mémoires figées et entendues et recompose des scènes parfois délirantes et géniales. La fiction prime. Son œuvre ne verse pas dans le documentaire. Elle tisse par l’imagination des jeux parfois surnaturels. Elle prête à sourire. Ses histoires laissent le regardeur à ses questionnements. Les portes s’ouvrent, l’imagination s’engouffre.

Des ouvriers jouent à la guerre sur des champs longilignes sans charnier. Les mêmes travailleurs se figent au travail. Le caractère anodin de leur univers aseptisé semble ressurgir. Une nature morte interroge le regard de l’horreur, un œil figé dans une gelée loufoque. Un militaire se contemple et convoque Mars sans sa Vénus. Sous son œil, une simple pomme de terre devient chargée d’une essence surnaturelle.

Son œuvre plonge Béthune, ses environs, ses habitants dans une présence inactuelle. La ville semble se figer dans des tableaux retirés du temps. Les activités, on devine le travail à l’usine, les rythmes quotidiens, la présence de la terre. Mais la force de l’imagination saisit la réalité, la tord et la fait basculer dans des histoires délurées. Si la mémoire prête à la gravité, la distance peut aussi s’en amuser.

L’exposition, conçue par Valentine Umansky, propose également un coup d’œil sur l’œuvre de Brian Griffin. Cette partie initiale a le mérite de rappeler combien le photographe est inventif autant que doué. Grand ami de Martin Parr, il fut l’un des premiers avec les Japonais de Provoke à penser le livre photographique comme une œuvre entière. Il photographie l’industrie ouvrière du nord de l’Angleterre avant que son univers décalé, sombre et ironique ne vienne nourrir l’imagerie percutante des pochettes vinyles et clips du rock britannique.

Son œuvre mériterait plus que quelques lignes. LaBanque en donne une vision fragmentaire choisie avec soin. Valentine Umansky s’attelle à souligner l’impertinence mesurée de Brian Griffin. Avec le temps, l’ironie d’un regard devient une sagesse charmante.

 

Arthur Dayras

 

Brian Griffin, Between Here and Nowhere
Du 17 mars au 15 juillet 2018
LaBanque
44 place George Clémenceau
64200 Béthune
France

www.ville-bethune.fr

 

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