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Kishin Shinoyama: Route de la Soie – Éditions Louis Vuitton

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Synonyme d’art de voyager depuis 1854, Louis Vuitton continue d’ajouter des titres à sa série de livres de photographie Fashion Eye.

Chaque livre évoque une ville, une région ou un pays, vu à travers les yeux d’un photographe de mode.

La Route de la soie de Kishin Shinoyama nous invite à voyager vers de nouveaux horizons.

De mai 1981 à juillet 1982, le photographe japonais Kishin Shinoyama parcourt la route de la soie. Depuis le Japon jusqu’aux rives du Bosphore, les Éditions Louis Vuitton narrent cette aventure originellement publiée par les Éditions Shūeisha. Le livre forme un ensemble philosophique, entre le carnet de voyage et l’exercice d’admiration.

Le livre Pérégrinations : Paysages entre nature et histoire (éditions Hazan)[1]constitue un point d’appui essentiel pour comprendre l’interaction du photographe avec les territoires traversés pendant ce périple. Pierre Wat décrit le paysage comme la production de l’individu. « Le paysage est une chose qui doit s’éprouver corporellement », écrit-il. « Le paysage n’est pas la nature. Il n’existe que pour l’homme et ce dernier cherche à y inscrire sa propre trace ». Le périple de Kishin Shinoyama à travers l’Asie peut se lire ainsi. Shinoyama considère le voyage comme une expérience individuelle active. À bien des égards, le photographe interagit avec les paysages. Il s’en s’imprègne et sa trace tient légère sur du papier photosensible.

À première vue pourtant, Shinoyama ne fait que traverser. Or traverser un paysage c’est risquer de voir seule sa surface. Pire, c’est pour le lecteur l’impression d’un carnet de voyage un peu fade, où les cerisiers du Japon précèdent les épices des souks. Une somme d’idées préconçues, de jolies photographies,impressions remuées depuis par les documentaires télévisés. Bref le fond sonore d’une époque. À cet égard, le livre des Éditions Vuitton s’amuse du carnet de voyage, forme peu usitée aujourd’hui. En tournant les pages, le lecteur pourrait mollement voir une somme d’impressions. Les marchés à ciels ouverts de Séoul, les sculptures Buddha du temple Toddaī-Ji ou encore les voies ferrées de Lanzhou. Ce livre formerait un panorama mieux réussi qu’un autre. Ce serait méconnaître la simplicité du geste photographique, et derrière ce regard, la philosophie du voyageur sur sa route vers l’Occident.

« Ce voyage ne représentait pour moi ni une occasion d’observer des civilisations nouvelles ni de chercher à confirmer mes propres connaissances. Ce qui comptait le plus c’était de transcrire ce que je ressentais, tous sens confondus, en m’imprégnant totalement de chaque lieu. Dans le désert par exemple, j’enlevais mes chaussures pour sentir la texture fine et poudreuse du sable sur la plante de mes pieds. Je trempais mes mains dans les ruisseaux de la montagne pour goûter leur fraîcheur et je mangeais avec les locaux les yaourts de chèvre qu’ils avaient faits eux-mêmes. Un voyage c’est graver chaque expérience une à une dans son corps, dans son âme. »

 Chez Shinoyama, le paysage s’éprouve donc « corporellement ». Le paysage est une entreprise de douceur, où l’étonnement cohabite avec la joie des découvertes. Il n’est ni dans une démarche d’appropriation ni dans une volonté de renouvellement. L’éveil, la curiosité et l’appréhension nourrissent ses motivations. Il goûte à toutes les tables, il sent les puanteurs des marchés, il s’enivre quotidiens. C’est la particularité du voyageur. Les paysages qu’il traverse ne sont plus ceux des autres, mais bien les paysages d’un individu. Route de Shinoyama. Habitudes des peuples, paysages du voyageur. Deux perceptions de l’unique et déjà, ce paradoxe photographique : le réel littéral de l’image n’est que la réalité subjective du photographe.

La justesse de ce livre est alors d’avoir retiré toutes informations. Les images forment une figure isolée, elles ne communiquent avec aucune autre structure. Aucun texte, aucun titre. Textes et titres sont plutôt reportés à la fin. Histoires et anecdotes les satisferont ; mais comme Shinoyama, le lecteur peut ne pas observer de civilisations nouvelles (d’autant qu’elles ne sont plus, quarante après, si neuves). Il peut en revanche retrouve le geste du photographe et donc lire Route de la soie comme le saut d’un paysage à l’autre.

[1]1. Le livre a reçu le prix 2018 d’histoire de l’art Pierre Daix.

Arthur Dayras

 

https://fr.louisvuitton.com

https://us.louisvuitton.com/eng-us/lv-now/art-travel

 

 

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