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John Maloof: l’homme qui découvrit Vivian Maier

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En 2007, tout en recherchant du matériel pour un projet sans rapport, John Maloof tomba sur l’œuvre photographique de Vivian Maier. Une maison aux enchères de Chicago avait acquis 10 000 rouleaux de son film, 20 à 30 000 ne furent pas développés, parmi d’autres objets du casier de rangement négligé par Maier. La curiosité de Maloof en matière d’achat photographique se transforma, à son insu, en découverte fracassante d’un don tout à fait inconnu du reste du monde.

Ne possédant pas encore de recul sur la photographie, John Maloof resta néanmoins captivé par les images qu’il acheta, au point que cela lui donna l’idée de tester la photographie de rue pour lui-même. Il a déclaré sur son blog que lorsqu’il marchait dans les rues de Chicago que Vivian Maier avait traversées, et qu’il avait essayé de prendre ce qu’il avait pu, il réalisa à quel point il était difficile de faire des images de ce calibre. Avec cette réalisation, Maloof mettra en ligne l’œuvre de Vivian Maier pour contextualiser les images au sein d’une communauté de photographie plus compétente. Bien que son premier élan à rendre son œuvre publique rendait compte d’une curiosité d’amateur, les réactions ferventes aux photographies en noir et blanc de Maier lui apporta un flot de fans fascinés par ces images. Les scènes de rue de Maier représentent ces moments authentiques. Quand les gens sans s’en douter, baissent leur garde, même ses portraits frontaux ont un sentiment de dévoilement. Les sujets vont des enfants espiègles aux aînés assoupis, des misérables drifters aux dames élégantes, des jeunes hommes apathiques au ton pincé aux travailleurs laborieux: l’ensemble d’un collectif dans le rythme du paysage américain métropolitain.

Maloof n’avait que peu d’informations sur Maier au-delà des indices donnés par l’œuvre publique qu’elle a laissé derrière elle. Il a découvert qu’elle était né à l’étranger et qu’elle avait passé sa vie comme nourrice et concierge. Personnalité très privée, sa passion pour la photographie était gardé à l’insu de tous, dans son cercle relativement restreint.

Maloof a passé trois ans à préserver et archiver le vaste corpus de travail qu’elle avait accumulé, comme elle prenait en permanence des photographies depuis les années 1950 jusqu’aux années 1990. Dans l’introduction de Vivian Maier: Street Photographer (publié par PowerHouse en Décembre 2011), Maloof déclare: « Alors que l’envie pour ses images avait grandi, j’ai été poussé dans le rôle de gardien de l’héritage photographique de Vivian Maier. » Ce rôle de gardien semble être autant un fardeau qu’un délice pour lui. Bien que Maloof ne cache pas sa lassitude à répondre à des questions parfois laconiques, le dévouement de Maloof à l’oeuvre, la tendresse et l’admiration de Maier en tant qu’artiste et personne est parfaitement clair. Maloof a parlé de son propre travail en tant que photographe de rue, ainsi que sa relation avec l’œuvre de Maier, l’héritage de Maier et ses qualités inspirantes.

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http://www.johnmaloof.com/John_Maloof/Home.html

Sarah Moroz: Initialement, lorsque vous avez créé le blog montrant des photographies de Maier, il n’y avait pas beaucoup de visiteurs… qu’est-ce que cela représentait pour vous d’apporter le nom de Maier en ligne, dans les premiers moments ?

John Maloof: Ce n’était pas important parce que je ne savais pas à quel point son travail était de qualité par rapport aux autres, historiquement. Quand je l’ai postée sur Flickr, c’est à ce moment que les photos ont commencé à se répandre sur le Web.

Sarah Moroz: En effet, la réponse a été formidable… Quelles étaient vos attentes, avant cette explosion de l’intérêt ?

John Maloof: Les attentes n’étaient pas très élevées.

Sarah Moroz: Que pensez-vous de la réaction intense et internationale aux photos de Maier ? Que pensez-vous qu’elle évoque qui soit si universel ?

John Maloof: Je ne peux pas parler pour tout le monde donc je ne peux pas en dire trop sur ce point. Je sais que l’histoire elle-même est ce qui intéresse beaucoup la presse mais je pense que ses photos sont tout aussi puissantes et importantes.

Sarah Moroz: Avez-vous photo préférée de Maier, une photo que vous sentez particulièrement poignante ?

John Maloof: Non, il y en a beaucoup trop pour désigner un favori. J’en aime trop.

Sarah Moroz: Vous êtes d’abord tombé sur les négatifs de Maier dans une maison d’enchères tout en travaillant sur un livre sur le Nord-Ouest de Chicago. Avez-vous trouvé d’autres types d’objets aux enchères ? Vous considérez-vous comme un collectionneur, comme Maier l’était ?

John Maloof: J’ai grandi en travaillant dans les marchés aux puces et en allant aux enchères, j’ai donc trouvé une infinité de choses dans ces endroits. Je ne collectionne rien qui soit de qualité. Je viens y acheter des choses dont j’ai besoin ou ce que j’aime.

Sarah Moroz: Quels sont les autres choses que vous avez trouvé en relation à la photographie ou autrement ?

John Maloof: Rien de tel. J’ai acheté beaucoup, beaucoup de choses, de sorte qu’il est difficile de n’en nommer que quelques-unes. Des meubles, des appareils photo, des guitares, des objets les plus bizarres, etc…

Sarah Moroz: Vous n’aviez pas de recul dans la photographie avant de découvrir les négatifs de Maier et pourtant vous vous en êtes suffisamment inspiré pour cibler et prendre des photos, puis arriva un Rolleiflex; vous avez pris des cours de photographie et créé votre propre chambre sombre à domicile. Aviez-vous un intérêt latent pour la photographie avant de voir l’œuvre de Maier, ou Maier avait vraiment éveillé quelque chose que vous n’avais jamais pris en consideration ?

John Maloof: je n’avais absolument aucun intérêt pour la photographie comme forme d’art avant que je trouve l’œuvre de Maier. Elle a suscité mon obsession de la photographie.

Sarah Moroz: Sur cette note, à quel point pensez-vous que «l’obsession» est importante pour caractériser la nature de la photographie ?

John Maloof: Je suis toujours conscient de ce qui m’entoure et je crains peut-être de manquer quelque chose si mon appareil photo est toujours autour de mon cou. Je suis vraiment obsédé par elle. Je pense que vous avez besoin d’ être en ordre pour obtenir un bon travai alors que pour un photographe de rue, vous devez prendre des centaines, sinon des milliers de photographies afin d’obtenir quelques bons clichés.

Sarah Moroz: Lorsque vous avez pris un appareil photo pour la première fois, combien de photos preniez-vous en l’imitant et combien de photos étaient intuitives ? Comment a évolué votre instinct de photographe au cours des dernières années ?

John Maloof: j’essayais plus ou moins d’imiter son style quand j’ai commencé. Comme le temps passait, j’ai laissé mes propres intérêts me conduire dans une voie différente. J’ai utilisé la couleur un peu plus. J’aime le surréalisme dans la photographie et j’essaye de garder un cadre non conventionnel.

Sarah Moroz: L’appel du «surréalisme» dans la photographie est un sujet puissant. La photographie de rue met l’accent en particulier sur, ou même révèle, un courant que nous rencontrons mais qui ne se reconnait pas dans le quotidien. Pouvez-vous nous expliquer ce qui détermine votre travail en tant que photographe ?

John Maloof: Il est difficile de faire une photo de rue qui n’a pas été faite d’une façon ou d’une autre. Lorsque vous trempez dans le surréalisme de la photographie de rue, il ouvre une nouvelle façon de voir des scènes communes. Vous pouvez prendre des avions dans la réalité et jouer avec la perspective pour créer de nouveaux, pour donner une profondeur qui a l’air bizarre ou surréelle.

Sarah Moroz: Quelle est votre approche de la photographie de rue ? Etes-vous discret ? Parlez-vous aux gens pour les faire participer avant, ou après?

John Maloof: J’essaie d’être discret. Je ne fais jamais participer, ni ne demande la permission et honnêtement, je ne pense pas que cela fonctionne bien. Je prends simplement des photos, je pense être bon. Habituellement, elles ne valent rien.

Sarah Moroz: Vous prenez des photos en couleurs généralement même si vous en prenez aussi en noir et blanc: lesquelles décidez-vous d’utiliser ?

John Maloof: J’ai commencé avec le noir et blanc quand j’avais le temps de developer les films. Je suis passé à la couleur et j’utilise un appareil numérique maintenant. J’apprécie le supplement d’information que la couleur donne. Elle garde l’image dans le présent.

Sarah Moroz: Est-ce que vous allez à de nombreuses expositions photos ? Si oui, y prenez-vous plaisir ?

John Maloof: Pas vraiment. J’ai aimé l’exposition Bresson lorsque je suis allé à Chicago. Je regarde la plupart des photos en ligne ou dans des ouvrages. Je n’ai plus beaucoup de temps libre depuis peu.

Sarah Moroz: Quels sites est-ce que vous consultez ?

John Maloof: J’apprécie www.in-public.com, www.flakphoto.com, de nombreuses galleries et archives institutionnelles en ligne.

Sarah Moroz: Vous faites une recherche Google sur Maier après votre achat des négatifs, pour y trouver seulement sa notice nécrologique placée la veille de votre recherche. Ne sentez-vous pas le manque d’avoir tourné la page ? Ou pensez-vous que la réponse intense que ses photographies ont évoqué a apporté une certaine sorte de paix ?

John Maloof: Je ne sens pas le manque d’avoir tourné la page. Vous devez garder à l’esprit que lorsque j’ai trouvé son nom, ce n’était pas encore en ligne et je n’ai même pas pensé que l’oeuvre était en cours à ce point. J’aurais juste aimé la rencontrer. Je n’aurais pas posé les questions que j’aurais voulu lui poser aujourd’hui.

Sarah Moroz: Qu’est-ce qui serait différent dans votre démarche ?

John Maloof: Eh bien, je ne savais pas qu’elle était un tel mystère à l’époque, donc je ne lui aurais pas posé de questions comme je voudrais lui poser aujourd’hui.

Sarah Moroz: Malgré la prise de milliers de photos, Maier n’a jamais montré ses photos à n’importe qui. Pourquoi pensez-vous qu’elle ne les a jamais montrées ? Compte tenu de la façon dont elle était une personne privée, pensez-vous qu’elle serait néanmoins heureuse que les gens connaissent son travail ?

John Maloof: Elle ne les a pas montrées à qui que ce soit parce qu’elle semblait être très fermée sur sa vie personnelle et elle ne voulait pas qu’on la juge. Je ne sais pas ce qu’elle penserait au sujet de la renommée qu’elle a aujourd’hui.

Sarah Moroz: Vous êtes en train de diriger un documentaire sur Maier. Comment avez-vous trouvé le film comme média par rapport au travail sur le livre ou les expositions en galeries ?

John Maloof: J’adore ce média. Il est naturel pour les photographes, il me semble. J’ai toujours fait des courts métrages, depuis que je suis jeune, mais j’ai compris la photographie et ensuite j’ai vraiment compris ce média. Maintenant, je l’aime bien plus encore.

Sarah Moroz: Quels autres projets avez-vous ?

John Maloof: Je travaille sur des spectacles de comédie avec un vieil ami, un court métrage et je fais des improvisations à The Second City. Je prends toujours des photos.

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