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Guy Delahaye : « Pina Bausch est un mythe »

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Les éditions Actes Sud réédite le livre de photographies des spectacles de Pina Bausch de Guy Delahaye. Depuis plus de trente ans, le photographe immortalise le théâtre et la danse sur toutes les scènes européennes et au-delà, et il a notamment photographié tous les spectacles de Pina Bausch. Ce livre contient pas moins de deux cent dix photographies en noir-et-blanc et en couleurs qui couvrent la totalité du parcours artistique de la danseuse et chorégraphe allemande. Guy Delahaye a aussi illustré une trentaine de livre et publié plusieurs ouvrages de photographie, chez Actes Sud notamment, sur Sankai Juku (1994), Angelin Preljocaj (2003), Jean-Claude Gallotta (2005). Il a consacré un premier livre à Pina Bausch en 1986 aux éditions Solin / Actes Sud.

 

Pourquoi une réédition ?

Il y a longtemps que je voulais rééditer ce livre car depuis sa dernière publication, en 2007, Pina Bausch est morte. Sa mort a été un grand coup pour moi qui la suivait depuis tant d’années. J’ai donc voulu ajouter deux spectacles qui manquaient dans la précédente édition, y mettre des photographies plus récentes. Et puis j’ai voulu le rééditer car le livre s’est vendu comme des petits pains.

 

Qu’est-ce qui explique ce succès à votre avis ?

 Je ne suis pas assez vaniteux pour penser que ce succès est de moi. Pina Bausch est un mythe maintenant. Tout le monde la connaît. Je pense que le succès vient de là. C’est vraiment la chorégraphe du siècle.

 

Comment avez-vous découvert son travail ?

 Nous sommes en 1979. A l’époque je travaillais pour une revue de danse et je connaissais donc de nombreux chorégraphes. Quelqu’un m’a dit un jour d’aller voir le premier spectacle de Pina Bausch qui passait en France, au théâtre de la ville. J’y suis allé, mon appareil photo avec moi, mais sans l’intention de prendre nécessairement des photographies et j’ai été tellement subjugué que j’ai tout de suite pris des places pour aller voir le prochain spectacle qu’elle donnait en France, au festival de Nancy, pour photographier l’un des plus beaux spectacles, Café Müller.

 

Et depuis vous n’avez raté aucun spectacle ?

 Oui, j’ai photographié tous les spectacles de Pina. Les trente neuf qu’il y a eu. Je suis allé de très nombreuses fois à Wuppertall. J’y allais environ tous les mois. Pina Bausch me faisait confiance et me laissait libre de photographier comme je voulais. Jamais elle ne m’a demandé quelque chose, elle me laissait faire. Mais je n’ai jamais pu voir une répétition. Nous n’avions pas le droit. Je n’ai photographié que ses spectacles. En tout, j’ai fait pas moins de 30.000 photographies. Pour le livre, j’en sélectionné 210.

 

Le travail de sélection a dû être difficile…

 C’était compliqué, mais j’y suis parvenu en me laissant guidé par mes émotions. J’ai suivi mon humeur et certains thèmes.

 

Et difficile aussi de photographier des danseurs alors qu’ils sont en plein mouvement…

 C’est la question qu’on pose systématiquement aux gens qui photographient des danseurs. Je n’arrive pas à savoir comment je fais. Je pense que c’est l’instinct. Quand on prend des photos c’est immédiat. Il faut vraiment avoir cet instinct. Moi je ne suis pas obsédé par le fait de capter le mouvement. Ce qui  m’intéresse c’est surtout de faire passer mes émotions à l’aide du spectacle.

 

Quel(s) spectacle(s) avait vous préféré ?

 Café Mülleret Le Sacre du printemps. Les deux ont une magie, quelque chose d’exceptionnel…

 

Qu’est-ce qui vous a marqué dans votre rencontre avec Pina Bausch ?

 Pina était un personnage très étrange. Parfois j’ai passé trois ou quatre heures sans qu’elle ne dise un mot. Je me souviens que j’étais avec elle le soir où nous avons appris, en 1986, l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Pina s’est mise à pleurer et elle a pleuré pendant toute la soirée. Elle portait vraiment toute la misère du monde sur ses épaules. Dans la rue, parfois, des gens s’arrêtaient pour lui donner de l’argent tellement elle paraissait miséreuse. C’était quelqu’un de très fragile.

 

Et de très travailleur ?

 J’avais un peu peur d’elle. Elle était tellement étrange. Elle avait des réactions imprévisibles. Pina était quelqu’un qui était dans son monde à elle et qui était une travailleuse incroyable. Je pense qu’elle était 24 heures sur 24 sur la brèche, d’ailleurs elle détestait Noël et le jour de l’an car elle ne pouvait pas travailler. Elle faisait un travail sur l’obsession. Je me suis inspiré de ça, je travaille avec l’obsession. Les grands créateurs, comme elle, sont des travailleurs acharnés.

 

Des travailleurs que vous avez immortalisé…

 Oui, que ce soit Pina Bausch ou d’autres, je me suis vraiment passionné pour ce travail. J’ai eu de la chance car j’ai toujours photographié des gens que j’aimais. Je suis tombé amoureux de si nombreux spectacles…Ce métier – prendre en photographie des spectacles – est malheureusement en train de disparaître. Aujourd’hui les compagnies de théâtre se contentent de simples visuels. Avec l’arrivée du numérique, c’est la disparition de cette profession et c’est triste.

 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Gauvin

 www.actes-sud.fr

 

 

 

 

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