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Dhaka 2013 –Chobi Mela VII

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Les pratiques diverses de la photographie se sont développés vers les extrêmes. Les grands événements, les moments épiques, la misère, l’infamie, la ruine, la gloire ou la routine se sont tous retrouvés face à un objectif. La photographie a exalté la souffrance, célébré des choses vaines. Les moments de calme et de silence, les esprits songeurs, les pas hésitants, les coups d’œil furtifs ont rarement fait les gros titres. Perçus comme ne valant pas la peine qu’on s’y attarde.

La vitesse de l’obturateur, d’un 125e de seconde – plutôt réservée aux tranches de temps instantanées – ne ralentit jamais suffisamment pour écouter les soupirs du silence. La photographie est de ce fait un témoin sélectif. L’histoire qu’elle enregistre, une histoire filtrée. C’est un biais qui diffère de celui qui entache le récit dominant des victorieux, dont l’histoire officielle s’est rendue coupable. Il est plus insidieux, il s’infiltre au cœur même de notre conscience. Je souris pour l’appareil de ma grand-mère. Le photojournaliste attend que ma larme tombe. Les moments d’entre-deux ne sont pas enregistrés. Une histoire saccadée des grands gestes et des moments cruciaux ne peut rendre compte des nuances que connaissent nos existences.
Le médium a en réalité été numérique depuis le début. Les noir et blanc de la photographie ont majoritairement échoué à enregistrer les grises ambiguïtés du panorama humain, les perceptions binaires qui donnent sa forme au regard photographique étant peu adaptées pour prendre en compte la subtilité. Le quotidien de nos vies, avec la complexité des émotions qui le traversent, est trop quelconque pour trouver sa place parmi les oscillations dramatiques que la photographie enregistre.

C’est seulement par le biais de certaines failles que la fragilité a pu être capturée. Ce n’est que lorsqu’elle était piétinée que la délicatesse a été regrettée. Les fidèles serviteurs de la photographie ont rarement laissé la lumière passer à travers ces fentes. La délicatesse d’une pensée secrète, l’hésitation du premier contact, sont les choses insignifiantes à côté desquelles passent les appareils. La fragilité d’une terre torturée, la mort lente d’un glacier, la disparition des abeilles, sont des changements trop lents pour être enregistrés en un 125e de seconde.

Dans un monde sexuellement surdéterminé, la fragilité n’est pas suffisamment macho. Dans une industrie misogyne, prendre une pause, c’est être efféminée. Parce que le sexe et la violence sont les drogues dont nous sommes abreuvés, les moments de calme ne reçoivent jamais aucune considération. Un sanglot silencieux est trop insignifiant pour être enregistré par nos capteurs aux centaines de mégapixels.

Nous recherchons ces moments fugitifs. Un tissu très fin fait de douces pensées tourbillonnant dans des vents turbulents. Le tissu s’effilochant des liens humains contre l’assaut brutal d’une culture invasive. La frêle existence d’un petit fermier gagnant à peine sa vie dans l’ombre de l’industrie agro-alimentaire. Les communautés résistant contre le raz-de-marée de la modernité.

Dans une économie cherchant son souffle, dans un écosystème s’écroulant du fait de la surconsommation, du gaspillage et des ravages de la guerre, l’avidité de quelques-uns menacent l’avenir du plus grand nombre. Nous vous exhortons à repousser les sirènes d’un progrès débridé et à consacrer vos forces à un monde durable. C’est seulement en comprenant la fragilité de ce monde que vous pourrez le faire vôtre.

Shahidul Alam, Directeur du festival

Chobi Mela – International Festival of Photography
Du 25 janvier au 7 février 2013
House 58, Road 15A (New),
Dhanmondi, Dhaka 1209
Bangladesh

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