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Andy Summers: La Musique de l’Image

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Pour le grand public, Andy Summers est le génial guitariste et compositeur du groupe mythique The Police, un des plus connus au monde, actif entre 1977 et 1984. Summers a  cependant construit, en parallèle à son activité musicale, une œuvre photographique unique. Celle-ci constitue, selon ses dires, la contrepartie  mentale et visuelle de sa musique, marquée par une recherche mélodique complexe, des harmonies aux couleurs plutôt mélancoliques, voire convulsives, mariant le jazz, la guitare classique, les influences reggae et sud-américaines.

Dès ses débuts en 1979, Summers a considéré sa pratique photographique comme la réalisation d’un journal intime  en images. Il photographie d’abord la vie à l’intérieur de The Police, mais d’un point de vue personnel, celui du guitariste Andy Summers questionnant une aventure artistique finissant par le déstabiliser, lui faire douter de lui-même et du monde factice venu engloutir  son personnage / rôle de »guitar heroe» au détriment de sa vie personnelle.. Autodidacte, Summers s’est forgé l’oeil aux contacts des livres des grands maîtres de sa nouvelle passion, véritable boulimie à la mesure de l’engouement inégalé, à cette époque, de l’Amérique pour la photographie, dans lequel baignent ses débuts.

Andy Summers n’a jamais caché ses influences, très marquées par la pratique documentaire, d’Henri Cartier-Bresson à Walker Evans, ou par la « street photography » alors dominante dans les années 1970, celle de Garry Winogrand et de Lee Friedlander, de leur esthétique du « surgissement ». Les leçons qu’il tire de Robert Frank, dont l’oeuvre le fascine comme toute sa génération, Summers les absorbe en privilégiant le point de vue personnel sur le monde, la dimension autobiographique. Il faut y ajouter son goût avéré pour les éclairages d’ambiance (« moody pictures »), parfois traités chez lui à la limite du visible, et les flous qui en découlent. Quant aux simplifications techniques et aux choix du noir et blanc dont Andy Summers s’accommode, ils sont ceux de la photographie européenne classique. À ces influences assumées, il convient d’ajouter le legs de  Ralph Gibson. C’est par lui, dès leur rencontre au début des années 1980, que Summers aborde véritablement les questions formelles, la conception du travail en série, le rôle de l’abstraction, ou encore celui du livre photographique comme finalité.

Andy Summers en a fait avec la photographie comme avec sa musique. L’une et l’autre se sont forgées dans la connaissance profonde des maîtres, puis dans leur dépassement créatif.

La nature des sujets photographiques qu’il privilégie, et qui, si l’on omet son travail autour du groupe The Police, excluent toute référence à l’univers médiatique et bruyant du « show business », appartient principalement à cette frange du surréalisme urbain, si chère aux écrivains surréalistes français , André Breton ou Aragon, qui en ont exploré l’étrangeté fructueuse: activités des métropoles américaines ou japonaises, rues fascinantes des cités sud-américaines…L’ex-guitariste de Police, dès qu’il s’engage en photographie en 1979, utilise jusqu’en 1984 les extraordinaires opportunités des tournées du groupe pour, aussitôt la scène quittée, s’engouffrer dans les nuits urbaines les plus humbles et populaires, donc les plus mystérieuses, jouissant ainsi d’une seconde vie, plus anonyme et tout aussi riche, sinon davantage, que celle de la rock star qu’il est devenu.

Dans les années qui suivront, et jusqu’à ce jour, Summers sera tributaire de cette double attirance, celle des éléments visuels et musicaux, et de leur résolution possible au sein de l’image photographique, dont il mesure pleinement les difficultés de réalisation, surtout dans les limites de l’image seule. Mais il évitera soigneusement, dans sa recherche des transpositions des effets musicaux  vers le domaine visuel, toute lourdeur expérimentale. D’où les recours, plus subtils, à la série, au livre, à  la performance musicale réalisée de plus en plus souvent en improvisant sur sa guitare devant la projection par séquences de ses photographies.

L’étrangeté photographique si caractéristique du style d’Andy Summers touche à cette « inquiétante étrangeté » dont parle Freud, sentiment d’inquiétude face à un domaine familier paraissant soudain masquer un secret générateur d’angoisse.  Summers apparaît comme un guetteur nostalgique, désireux de soustraire les derniers éclats poétiques ou les étranges secrets d’un monde encore diversifié, enregistré avant sa liquidation finale engagée par la globalisation.

Gilles Mora

Commissaire de l’exposition

Directeur artistique du Pavillon populaire.

 

« Andy Summers. Une certaine étrangeté, photographies 1979-2018 »

Du 6 février au 14 avril 2019

Pavillon Populaire //  Espace d’art photographique de la Ville de Montpellier

Esplanade Charles-de-Gaulle

34000 Montpellier

https://www.montpellier.fr/506-les-expos-du-pavillon-populaire-a-montpellier.htm

 

 

 

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