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La petite bibliothèque portative de Carole Naggar

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Partant du principe que la périphérie est plus intéressante que le centre, j’ai arpenté les marges de Paris Photo à la découverte de livres pour composer ma petite bibliothèque virtuelle. Les étagères de la vraie sont pleins à craquer et j’essaie de contrôler mes instincts accumulateurs.

Ana & Taige (Editions Journal) est le premier livre de la jeune photographe suédoise Rebecka Uhlin. Ce sont des formats carrés en couleur, intimes et tendres, qui évoquent la vie quotidienne de ses grand parents dans la maison où elle a passé ses vacances d’enfance.. « Mes photos m’ont permis de me rapprocher de l’amour que se portent mes grand parents » dit Uhlin. Une de mes images préférées représente leurs deux assiettes ornée chacune d’une seule tomate fraîchement cueillie.

Vitas Luckus:Works (Kaunas Books) Luckus, qui n’est pas encore assez connu en dehors de la Lituanie, est un des fondateurs de l’école de photographie de Kaunas et un immense photographe à découvrir d’urgence. Ce volume rassemble son travail documentaire, son étude d’une compagnie de mimes et quelques photos de ses magnifiques albums qui collectent photos d’amateurs, photos de famille, photos d’archives et photo ethnographiques dans un montage sophistiqué. Kaunas Books prépare pour l’an prochain un fac-similé d’un des albums, Other Realities.

Kazuo Kitai:Pictures from my cabinet of memories (Zen Foto) C’est la version anglaise du volume paru précédemment, Kioku no Hikidashi. Ce livre raffiné au format de roman qui alterne images en noir et blanc et textes autobiographiques retrace cinquante ans de carrière de ce grand photographe, depuis ses documents des grandes manifestations des années soixante au Japon (volontairement flous, graineux et griffés), en passant par le célèbre To the Villages, jusqu’à ses photos récentes prises dans son quartier. J’ai particulièrement aimé les montages de silhouettes qui ouvrent et ferment le livre et décorent les rabats de couverture.

Saul Leiter et Paul Auster: It don’t mean a thing (The Gould Collection, Vol.2)

Le principe de la collection Gould est de réunir pour chaque volume un photographe et un écrivain. Des images poétiques de Saul Leiter en noir et blanc et en couleur, pour la plupart inédites, réalisées à la fin des années 1940, s’entrelacent à une belle histoire de Paul Auster sur New York, ses quartiers et ses habitants. C’est un livre nuancé et subtil, qui compose à petites touches, sous la neige, la brume ou derrière des vitres embrumées, un portrait impressionniste de la ville que le photographe comme l’écrivain ont tant aimée.

Isiuchi Miyako:Mother’s (Akio Nagasawa Gallery) Cette édition originale, un tout petit livre à la couverture rouge, est un grand classique.Il rassemble les photos qu’a prises Isiuchi des objets ayant appartenu à sa mère, dix ans après sa mort: combinaisons translucides, tubes de rouge à lèvre usés, soutien-gorge de dentelle… composent une ode touchante, un portrait de l’absente au travers de ses possessions. « Libérées de la réalité d’avoir été les effets personnels de ma mère, les choses photographiées sont devenues de simples objets et je m’en suis rendue compte en voyant que tout ce qui n’était pas essentiel avait disparu, leur permettant d’apparaître seuls », commente Isiuchi.

Masahisa Fukase:Karasu/Ravens (Editions Sokyu-sha) Publié voici trente ans, le chef d’œuvre de Fukase n’a rien perdu de sa force. Sombre et obsessionnel, c’est un livre de deuil, suivant l’errance du photographe qui parcourt le Japon après sa séparation d’avec sa femme Yoko. Saisis en plein vol, perchés sur un fil, vus en silhouettes ou dans leurs empreintes sur la neige, les corbeaux habitent un paysage hivernal qui exprime la mélancolie du photographe. Dans la mythologie japonaise, le corbeau est une présence maléfique qui annonce une époque difficile.

Lola Reboud: Les Climats II, Japon (Editions Poursuite) Dans ce premier livre, la photographe Lola Reboud poursuit au Japon son travail sur les climats. Travaillant avec des vulcanologues, elle s’est déplacée au sud du pays pour observer les typhons, les pluies et les éruptions volcaniques. Elle a choisi pour la plupart de ses images le format circulaire très présent dans l’art japonais et alterne des photos figuratives avec d’autres plus abstraites, traces des aiguilles des seismomètres qui mesurent le rythme des volcans. « Les volcans sont les poumons de la planète » explique Reboud. « Quand un volcan crache du feu, c’est la planète qui respire. »

 

Carole Naggar 

Carole Naggar est une historienne de la photographie, professeur et commissaire indépendante depuis 1971. Elle vit et travaille à New York. Ces livres ont été feuilletés à Paris Photo, Off Print, Polycopies et Paris Vintage entre le 8 et le 12 novembre 2017.

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