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Richard Gere : « Je joue davantage avec la couleur »

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Pour célébrer le Prix pour des contributions exceptionnelles décerné à Elizabeth Avedon par le Musée Griffin de Photographie de Winchester, L’Œil de la Photographie publie à nouveau les meilleurs entretiens qu’elle a publiés dans ce magazine. Celui-ci, avec l’acteur Richard Gere, est daté du 1er mai 2011.

Richard Gere, acteur et militant des droits de l’homme, est bien connu pour ses rôles principaux dans des films hollywoodiens comme American Gigolo, Officier et gentleman, Pretty Woman ou Peur Primale. Il est l’un des militants américains les plus engagés dans le domaine du sida et un promoteur infatigable des droits de l’homme au Tibet en tant que président de la Campagne internationale pour le Tibet. Gere a été honoré par le Fonds du Tibet pour ses trente années de soutien exceptionnel à Sa Sainteté le Dalaï Lama et à la lutte du peuple tibétain pour préserver leur identité et leur culture. Mais on ne connaît pas aussi bien le travail qu’il fait depuis longtemps dans le domaine de la photographie.

J’ai vu pour la première fois les photographies de Richard au milieu des années 1980, à peu près au moment de la sortie de son film Cotton Club, réalisé par Francis Ford Coppola. Gere a été l’un des premiers collectionneurs de l’artiste alors controversé, Joel-Peter Witkin, qui à l’époque était encore assez peu connu dans le milieu de la photographie d’art. Pendant que Richard me montrait sa collection de tiages de Witkin, j’ai été distraite par une pile d’épreuves contact 20 x 25cm. Je l’ai interrompu en demandant, « Qui a fait ces photos? Elles sont vraiment super! « ”Elles sont de moi” a-t-il admis à contrecœur. Je n’ai jamais oublié ces images et elles ont fini par jouer un rôle important dans les projets qu’il a montés par la suite.

J’ai parlé avec Richard de ses photographies, de ses expositions, de son livre, Pélerin (Pilgrim), et de sa vaste collection de photographies. Notre rencontre a eu lieu à New York dans ses bureaux de style Art and Craft décorés d’un grand nombre de photographies incroyables, à commencer par l’entrée bordée de photographies de Ralph Eugene Meatyard. Parmi ses photos de famille magnifiquement encadrées et des instantanés de divers voyages, il y a bien d’autres photos connues.

Quel est votre parcours familial?

Mes parents venaient de la même ville de Brooklyn, en Pennsylvanie, une très petite ville du nord-est de la Pennsylvanie. Ma mère vivait dans la rue principale. J’imagine qu’elle venait d’une des familles aisées de la ville. Son père faisait de la politique. J’ai vu dans son bureau une plaque autographiée par FDR (le président Franklin D. Roosevelt) qui le remerciait de son service sur le conseil de révision. C’était le genre de type à porter un costume en toutes circonstances. Je ne l’ai jamais rencontré, mais dans toutes les photos, il porte un costume et un chapeau.

Mon grand-père Albert, le père de mon père, était un producteur laitier. Il ne vivait pas en ville. Sa tenue de tous les jours était une salopette, il travaillait avec les animaux et trayait les vaches. Donc mes parents c’étaient le campagnard et la citadine, mais la ville ce n’était qu’une seule rue, un seul pâté de maisons.

La photo de mon grand-père dans son champ de blé, sur ses terres, avec les gerbes de blé, figure sur le logo de notre auberge et restaurant. Elle parle d’abondance, de l’abondance du blé dont il était si fier.

Quel a été votre premier appareil photo « sérieux »?

Un Canon. Une petite amie m’a donné un Canon AE-1, que j’ai encore. Il avait un réglage automatique de mise au point. C’était une première version primitive du réglage électronique qui existe actuellement J’utilise toujours cet appareil.

Comme vous le savez, je ne collectionne pas les appareils photo, j’utilise toujours ce même Contax T2. Il très facile à transporter; l’objectif Zeiss est vraiment fantastique. Le posemètre est extrêmement précis, il donne cette saturation dans les noirs que j’aime beaucoup, et une gradation très précise de la lumière à l’ombre.

Y a-t’il des artistes qui vous ont influencé?

Ecoutez, tout le monde aime Vermeer. Il n’y a personne qui n’aime pas Vermeer et son utilisation de la lumière. C’st une lumière naturelle, pleine d’énergie et de sensualité, tout à fait réelle, en même temps irréelle. C’est son talent particulier. Cette utilisation de la lumière naturelle, on la trouve parfois dans les films, en général dans les films européens. C’est ça qui me plait, la lumière naturelle. Je ne saurais pas du tout comment m’y prendre pour faire de la photographie commerciale.

Je joue davantage avec la couleur. Je commence à m’y intéresser. Je ne l’ai pas encore maîtrisée. J’ai pris quelques photos de mon fils, Homer, et je trouve qu’elles sont vraiment bien en couleur. Ça m’a fait plaisir. Elles ne sortent pas toujours comme je voudrais, mais il y en a une ou deux que j’ai prises de lui où j’ai pensé, « Ouah, ça n’aurait pas marché en noir et blanc! C’est autre chose, c’est différent.  » John Paul m’a fait des tirages couleur au jet d’encre. Les couleurs étaient tout simplement fantastiques! Elles n’étaient pas réelles, mais pas irréelles non plus. Ça ne ressemblait pas à du Kodacolor.

Où au Ladakh avez-vous pris la belle photo du mur (qui s’appelle maintenant « Pélerin »)?

Je l’ai prise à Zanskar. C’est une image intéressante que j’aime beaucoup. Les gens ont fait des réflexions sur cette photo, pas à moi directement. Ils disaient: «La photo n’est même pas nette, il ne sait pas ce qu’il fait.» Mais c’est ça que j’aimais. J’aimais le fait que ce ne soit pas une photo touristique, qu’elle ne soit pas impeccable au sens habituel du terme. Il y a une certaine qualité expressionniste que j’aime dans ma photographie. Peu m’importe que quelqu’un d’autre l’aime. C’est ma vision des choses.

Vos photos des Pyramides et du Pôle Sud sont deux joyaux. Je n’ai jamais vu de photo des Pyramides prise sous cet angle.

J’étais au Caire en 2005, en chemin pour le Moyen-Orient pour rencontrer Sa Sainteté en Jordanie, dans la ville antique de Petra qui est taillée dans la pierre. Elie Wiesel co-présentait les “Conférences de Petra » avec le roi Abdullah II de Jordanie. Ils ont réuni des lauréats du prix Nobel avec des leaders sociaux et politiques. Sa Sainteté était là et j’ai été invité à venir, mais en chemin, je devais parler au Caire, en Egypte, sous l’égide de l’Association de Solidarité des Femmes Arabes (Arab Women Solidarity Association), à l’occasion d’une conférence de femmes arabes intitulée Femmes, Créativité et dissidence (Women, Creativity, and Dissidence). J’étais là pour quelques jours et je me suis lié d’amitié avec l’un des archéologues. Je lui ai demandé si nous pouvions nous rendre aux Pyramides tôt le matin. Je suis arrivé avant qu’il ne fasse jour et j’ai attendu la lumière. Nous étions loin dans le désert. J’ai pris beaucoup de photos. En circulant autour des Pyramides, je me suis rendu compte qu’à un moment donné elles s’alignaient presque. La lumière augmentait, toutes les lignes convergeaient et je n’ai eu qu’à me déplacer de dix ou vingt mètres pour que toutes les lignes convergent pour créer ces plans. Moi non plus je n’avais jamais vu une photo prise sous cet angle.

Qu’est-ce que la Fondation Gere?

C’est à cette époque que j’ai monté la Fondation Gere, et l’ai utilisée comme véhicule pour soutenir beaucoup d’autres organisations et projets. Nous tentions de collecter des fonds et nous avons décidé dès le départ que tout ce que nous ferions serait de la plus grande qualité. Je ne pense pas que nous ayons jamais fait de compromis par rapport à cela. Tout ce que nous avons fait était de la plus haute qualité possible. Dans la foulée, vous êtes venue me voir un jour quand nous parlions de collecte de fonds et vous m’avez dit: «Pourquoi ne pas mettre en vente certaines de vos photos?» Et c’est ce que nous avons fait. Le premier projet que nous avons fait pour récolter des fonds pour la nouvelle Fondation, ç’a été de réaliser deux portfolios de mes photos, Zanskar et le Tibet; le produit net de la vente de ces portfolios et d’autres photographies a été versé à des organisations sans but lucratif pour soutenir les intérêts tibétains . Je n’ai jamais gardé l’argent provenant de la vente des photos. Jusqu’à ce jour, tout l’argent va à la Fondation, qui l’utilise pour financer des projets tibétains.

Qui est le premier photographe d’art que vous ayez collectionné?

C’était František Drtikol. J’ai de beaux Drtikol que je regarde encore tout le temps. Les meilleurs Drtikol sont vraiment, vraiment bons. J’ai collectionné tous les suspects habituels, j’allais dans tous les sens: Cartier-Bresson, Diane Arbus, Manuel Álvarez Bravo, Harry Callahan, August Sander et Laura Gilpin. Irving Penn est toujours quelqu’un qui m’éblouit, presque tout ce qu’il a fait est étonnant. Edward Weston… J’aimais les photographes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.

J’ai arrêté de collectionner il y a plusieurs années. Mais j’aime encore aller aux ventes aux enchères; c’est la variété qui m’attire. J’aime voir tant de choses différentes. Et parce qu’il y a tant de photographes, chaque fois que l’on découvre une image, c’est un éveil: « Oh, voilà une nouvelle vision dans l’Univers ».

 

Propos recueillis par Elizabeth Avedon

Elizabeth Avedon est commissaire indépendante. Elle conçoit des livres et des expositions et écrit sur la photographie

 

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