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Christian Maccotta : rencontre autour des Boutographies 2015

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Le festival des Boutographies a ouvert ses portes ce week-end de Pâques à Montpellier. Cette quinzième édition, sous la direction artistique de Christian Maccotta, est présidée par le photographe suisse Christian Lutz. La manifestation propose une programmation autour de la jeune photographie européenne, la sélection du jury* composée de 10 travaux, l’exposition consacrée à l’invité d’honneur et président, le prix Echange FotoLeggendo-Boutographies avec le photographe espagnol Alvaro Deprit, sans oublier tout un programme additionnel de projections, rencontres ou encore lectures de portfolios…

Pour nous présenter le festival, nous avons interrogé Christian Maccotta, le directeur artistique de la manifestation depuis 2007.

L’Oeil de la Photographie : Le Festival des Boutographies vient d’inaugurer sa 15ème édition, quelles sont les évolutions du festival depuis sa création en 2001 ?
Christian Maccotta : Les Boutographies ont commencé comme une animation de quartier, autour de la boutique de la photographe du coin (qui est devenue depuis députée de l’Hérault). Après quelques années de bricolage, d’accrochages in extremis et d’apéros-photo dans les bistrots, les jardins et les magasins de la rue du Faubourg-Boutonnet, il a fallu se résoudre à davantage de professionnalisme, sous la pression des photographes et celle de notre directeur vénéré Arnaud Laroche. Nous avons construit en quelques années un projet qui voulait à la fois attirer le meilleur de la jeune photo européenne, fédérer l’ensemble des acteurs photo de Montpellier, et toucher un public large. Une équipe réduite mais très impliquée a fini par emporter l’adhésion des décideurs locaux, qui nous ont donné carte blanche pour occuper le Pavillon populaire, lieu entièrement voué à la photographie emporté de haute lutte au cours d’un mois de mai 2008 aux allures de révolution culturelle. Le festival est déjà à ce moment-là bien plus qu’une collection d’expositions. Tous les partenaires contribuent à en faire un événement inséré dans la ville, avec des rencontres de professionnels, des projections, et rapidement un Off, qui disparaîtra presqu’aussi rapidement. Un Hors les murs a pris le relais, il regroupe aujourd’hui toutes les galeries de la ville qui s’intéressent à la photographie, soit une bonne dizaine de lieux. En 2010, la Ville nous propose un Prix du jury qu’elle dote de 2500 euros, ce qui, associé à la réputation de sérieux du festival et à la qualité exceptionnelle des conditions d’exposition, va faire grimper le nombre de dossiers de candidature de façon exponentielle. En quelques années, nous passons d’une centaine à plus de huit cents inscriptions à la sélection, venues de toute l’Europe. Le choix s’élargit, le jury s’étoffe de personnalités nationales et européennes du monde de la photo, et nous pouvons dessiner une politique de programmation sans concessions. Nous tissons parallèlement des liens particuliers avec des écoles d’art et de photographie, et développons des collaborations avec d’autres festivals, tels que Fotoleggendo à Rome ou encore les Voies Off à Arles. Il est alors temps de passer à la phase 3 d’une évolution qui nous échappe et dont nous feignons d’être les organisateurs discrets mais efficaces : le déménagement vers la Panacée, superbe Centre de culture contemporaine de la ville de Montpellier, où nous nous installons cette année.

LODLP : Le festival des Boutographies est consacré à la jeune photographie européenne, comment s’opère les choix des artistes présentés dans le cadre des expositions et des projections ?
CM : Sur le plan pratique, nous fonctionnons uniquement par appel à candidatures, avec deux exceptions qui sont le lauréat du prix Echange avec Fotoleggendo, et parfois une carte blanche ou un photographe invité, comme c’est le cas cette année avec Christian Lutz. Le jury se réunit en décembre et retient dix à douze dossiers pour l’accrochage, auxquels s’ajoutent vingt à trente séries qui seront présentées en projection.
Quant aux critères du choix final, ils sont de plusieurs ordres, mais un principe fondamental est celui de l’éclectisme des démarches et des sujets. Un éclectisme qui serait traversé par l’air du temps. La photographie a ceci de particulier qu’elle est « de l’époque », en résonance permanente avec son temps immédiat, c’est d’ailleurs ce qui lui donne cette capacité extraordinaire à vieillir avec lui, à en garder comme l’aura indéfinissable quand les minutes et les années sont passées sur elle. C’est aussi pour cette raison, et c’est paradoxal, qu’elle est sans cesse appelée à traîter de l’actualité. Mais ce n’est pas ce que nous faisons. Nous essayons de partir non pas de l’événement, mais du regard du photographe sur le monde. Et s’il est sensible, patient, dénué d’intentions simplificatrices, ce regard montre ce qui imprègne l’atmosphère au-delà de l’événement, et qui est toujours infiniment plus complexe que la réalité réduite à l’événementiel. Par exemple cette année, et ce n’est ni le fruit d’une intention délibérée ni celui du hasard, plusieurs séries sont traversées par la question de la croyance. Croyances envahissantes ou croyances absentes, cette question a beaucoup à voir avec notre monde contemporain, et presque toujours avec l’image, particulièrement avec l’image photographique, endroit toujours en balance entre un plein de réalité, voire de vérité, et un vide de simple mimétisme avec le visible, de quasi-inexistence. L’œuvre, la place de l‘auteur est sans doute entre ces deux endroits, là où les questions et les sensations se bousculent, mais de telle façon qu’elles restent des questions et des sensations vivantes. C’est cet endroit que je cherche quand je me penche sur une photographie. On le trouve parmi des séries photographiques aux démarches très divergentes, du document à l’installation, mais qui toutes témoignent d’une forme de nécessité pour leur auteur.

LODLP : Trois pays sont particulièrement mis à l’honneur dans la programmation cette année, avec la Suisse, l’Allemagne et bien entendu la France, est-ce un choix éditorial délibéré ?
CM : Nous n’avions aucune espèce de préméditation à cet égard, si ce n’est de refléter, encore une fois, des mouvements à l’œuvre dans la création photographique du moment. Il se trouve que, depuis quelques années, le jury est favorablement impressionné par ce qui nous vient d’Allemagne et de Suisse. Des écoles comme l’université des arts de Bielefeld et la Ostkreuzschule de Berlin en Allemagne, comme l’ECAL de Lausanne et l’ESAA de Vevey en Suisse, chacune dans son registre, ont trouvé à l’évidence des façons d’accompagner leurs étudiants qui les aident non seulement à libérer leur potentiel créatif, mais aussi à trouver des voies pour le rendre visible, audible dans un contexte de production massive d’images photographiques de qualité.

LODLP : Une nouveauté cette année, le festival accueil un invité d’honneur et il s’agit du photographe suisse Christian Lutz, pouvez vous nous parler de ce choix artistique ?
CM : Je m’intéresse au travail de Christian Lutz depuis 2009, date à laquelle j’avais repéré sa série OutWest, exposée la même année aux Boutographies. Après avoir vu In Jesus’ Name au Musée de l’Elysée à Lausanne en 2013, avec ce choix radical de barrer les photos censurées avec les textes des plaignants, tous issus de la même Eglise évangélique, j’ai été d’emblée convaincu que ce travail venait poser au bon endroit la question des pouvoirs de l’image photographique, de ses rapports à la croyance, des responsabilités éthiques et politiques que son usage engage. Nous l’avons sollicité pour présenter ici les trois volets de sa Trilogie sur le pouvoir, Protokoll, Tropical Gift et In Jesus’ Name. Il a accepté, et il participe donc à l’invasion suisse de Montpellier au mois d’avril.

PROGRAMME EXPOSITIONS :
• André Lützen (Allemange) – Zhili Byli
• Birte Kaufmann (Allemagne) – The Travellers
• Cyril Costilhes (France) – Grand Circle Diego
• Emanuele Brutti (Italie) – Just Another Boxer
• Heiko Tiemann (Allemagne) – Infliction
• Laurence Rasti (Suisse) – Il n’y a pas d’homosexuels en Iran
• Mario Brand (Allemagne) – Storyteller
• Michel Le Belhomme (France) – Les deux labyrinthes
• Olivier Lovey (Suisse) – Puissance Foudre
• Romain Mader et Nadja Kilchhofer (Suisse) – Aliona

PROGRAMME PROJECTIONS :
• Louis de Belle (Italie) – Failed Diorama
• Nigel Bennet (Angleterre) – Hakuro, an Itoshima Almanac
• Laurent Cipriani (France) – Along the road
• Giovanni Cocco (Italie) – Monia
• Boris Eldagsen (Allemagne) – how to disappear completely / THE POEMS
• Cathleen Falckenhayn (Allemagne) – 3ZKB
• Bérangère Fromont (France) – Cosmos
• Julia Fullerton-Batten (Angleterre) – Unadorned
• Françoise Galeron (France) – Le chant de l’ogre
• Florian Bong-Kil Grosse (Allemagne) – Hanguk
• Corinna Kern (Allemagne) – George’s Bath
• Stefano Marchionini (Italie) – Between the Devil and the Deep Blue Sea
• Sandra Mehl (France) – PS Je t’écris de la Plage des mouettes
• Melissa Moore (Angleterre) – Land ends abracadabra
• Leslie Moquin (France) – Shanghai cosmetic
• Constance Proux (France) – Akkar
• Alnis Stakle (Lettonie) – Heavy waters
• Dana Stoelzgen (Allemagne) – Mon deguisement
• Manuel de Teresa (Espagne) – La Maison de Madame Manuel
• Jeanne Tullen (Suisse) – WOMB
• Laetitia Vancon (France) – My home my prison
• Tomáš Werner (Slovaquie) – A Handbook For Dog Walkers
• Yana Wernicke (Allemagne) – Irrlicht
• Raimond Wouda (Pays-Bas) – Scenes, Sceneries and Scenarios

* Le jury était composé de Christian Lutz (Photographe et président du jury), Emeric Glayse (Chargé de développement du Prix du Photojournalisme à la Fondation Carmignac), André Frère (Editeur), Yohanne Lamoulère (photographe du Collectif Transit), Delphine Burtin (Photographe) et Christian Maccotta (Directeur Artistique des Boutographies).

FESTIVAL
Les Boutographies 2015
Du 4 au 26 avril 2015
La Panacée
14 Rue de l’École de Pharmacie

34000 Montpellier
France
Du mercredi au samedi de 12 h à 20 h
Dimanche de 10 h à 18 h

Retrouvez tout le programme en cliquant ici
http://www.boutographies.com

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