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1927 & 1955 – Les premières photos couleur de la Fête des Vignerons

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En dialogue avec la Fête des Vignerons

L’année 2019 est marquée à Vevey par un événement unique au monde : la Fête des Vignerons (18 juillet – 11 août). Organisé une fois par génération, inscrit par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le spectacle exalte la tradition viticole de toute une région. Ouvrant sur la Place du Marché de Vevey, où se déroule la Fête des Vignerons, le Musée suisse de l’appareil photographique accompagne cette célébration haute en couleur.

Précisément : il a fallu attendre l’édition de 1927 pour que les procédés photographiques puissent en rendre la richesse chromatique. Un éclat encore amplifié durant l’édition suivante (1955) par la démocratisation du film couleur, autant du côté des photographes professionnels que de celui des amateurs. En présentant d’émouvantes images, pour la plupart inédites, le musée rend à la fois hommage à la Fête des Vignerons et à la longue conquête de la couleur dans la photographie.

 

L’exposition

Depuis ses origines dans la première moitié du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle, la photographie saisit la Fête des Vignerons en noir et blanc. Le traitement est souvent superbe, mais il ne peut pas évoquer l’une des composantes essentielles de ce spectacle solaire : son intense richesse chromatique. Quelques images noir et blanc sont certes colorisées a posteriori à la main. Elles restent toutefois l’exception. Cette réalité monochrome perdure jusqu’à la Fête des Vignerons de 1905. Commercialisé en 1907, le premier procédé industriel de photographie en couleur –l’autochrome- n’est ainsi utilisé qu’à l’occasion de l’édition suivante de la Fête des Vignerons, en 1927.

Onéreux et relativement délicat à utiliser, l’autochrome inventé par les frères Lumière à Lyon rend l’événement de manière pictorialiste. Son procédé à base de fécule de pomme de terre teintée donne un aspect pointilliste aux images positives sur plaques de verre. Il convient à merveille à la représentation de la fête populaire : ses acteurs-figurants en tenues traditionnelles, sa scénographie, ses décors; surtout son exubérance, son émotion, sa vitalité.

L’édition suivante, en 1955, marque la généralisation du recours au film couleur dans le grand public et chez les photographes professionnels. Grâce aux pellicules de Kodak, Agfa et de leurs concurrents, les spectateurs peuvent enfin conserver en couleur le souvenir d’une manifestation qui se tient une fois par génération. Sur papier ou diapositive, le film couleur est solidaire d’une décennie et d’une fête populaire caractérisées par l’optimisme et la foi en le progrès.

Le passage du monochrome au polychrome dans la représentation photographique de la Fête des Vignerons a d’autres effets. Dont celui, temporel, de rapprocher les fêtes d’antan de notre propre époque. Le noir et blanc renvoie loin dans le passé, la couleur beaucoup moins. La photo couleur réduit aussi la distance qui sépare l’image de la réalité : elle ajoute véracité et ressemblance. Sans compter les valeurs de joie et de tonicité associées aux couleurs.

Les photographies exposées au Musée suisse de l’appareil photographique sont pour la plupart inédites. Elles sont issues des collections de la Confrérie des Vignerons, de la famille Nicollier, de la Fondation Sandoz, du Musée suisse de l’appareil photographique, des Archives Yves Debraine, de Photo Maxim et d’anonymes. Des magazines, journaux, documents anciens et projections complètent la présentation.

 

L’autochrome des frères Lumière

La photographie naît en noir et blanc, faute de capacités techniques à reproduire les couleurs. Tout au long du XIXe siècle, des chercheurs tentent de combler cette lacune par synthèse additive (addition de lumières colorées) ou méthode soustractive (absorption d’au moins trois couleurs pour obtenir une gamme chromatique). Le physicien français Gabriel Lippmann obtient un prix Nobel pour sa découverte d’un système interférentiel de reproduction des couleurs. Mais son invention complexe, inégale dans ses résultats, reste cantonnée à un cercle très restreint d’utilisateurs.

Il appartient aux frères Auguste et Louis Lumière, à Lyon, de proposer le premier procédé industriel de photographie en couleur. L’autochrome est breveté en 1903, puis commercialisé en 1907.

Même s’il est coûteux et pas toujours facile à utiliser, en particulier pour le calcul du temps d’exposition, il connaît un succès international qui se poursuit jusqu’à l’apparition dans les années 1930 des premiers films couleur de Kodak et Agfa. Pendant plus de deux décennies, les usines Lumière produiront plusieurs millions d’autochromes en différents formats.

Reprenant le principe de la méthode additive, ou synthèse trichrome, la technique de l’autochrome tire parti d’un matériau organique : de minuscules grains de fécule de pomme de terre. Ces grains sont colorés en rouge-orangé, vert et bleu-violet. Ils sont déposés sur une plaque de verre avant de recevoir une couche de vernis isolant, puis une couche d’émulsion photosensible. Une fois impressionnée dans l’appareil photo, la plaque est renvoyée aux laboratoires Lumière pour y être développée. L’image positive peut ensuite être projetée sur un écran grâce à un système de rétro-éclairage.

La luminosité des diapositives autochromes, leur granulation subtile, leurs teintes somptueuses ont souvent rapproché le procédé de la peinture, par exemple de l’impressionnisme et du pointillisme. Un siècle plus tard, elles restent identifiables au premier coup d’oeil.

 

Kodachrome et Agfacolor

Malgré une belle carrière commerciale, l’autochrome ne s’est pas démocratisé au point de concurrencer les procédés noir et blanc. Sa cherté et son emploi délicat l’ont éloigné du public de masse. La vraie révolution de la photo couleur s’est accomplie grâce aux nouveautés de Kodak (Etats-Unis) et Agfa (Allemagne) entre-deux-guerres. Apparus en 1936, le Kodachrome et l’Agfacolor Neu reposent sur la méthode soustractive. En l’occurrence la synthèse chimique de colorants jaune, magenta et cyan pour obtenir, au final, une diapositive couleur. Tirant parti de l’enthousiasme de l’époque pour les premiers films de cinéma en couleur (Technicolor), ces pellicules 35 mm connaissent rapidement beaucoup de curiosité. Celle-ci est toutefois freinée par le déclenchement de la Seconde guerre mondiale. Les films n’ont besoin d’aucun équipement photographique spécifique et sont avant tout destinées au grand public. Avec ces pellicules naît le rituel familial de la projection de diapositives. Kodak ne tarde pas à prendre le pas sur son concurrent Agfa, tirant parti de la défaite allemande.

La société de Rochester améliore sans cesse ses émulsions, au début peu sensibles. Elle sort en 1942 le Kodacolor, dont le procédé négatif-positif permet d’effectuer des tirages sur papier. Puis l’Ektachrome (1946) et l’Ektacolor (1947), qui permettent aux passionnés de développer eux-mêmes leurs films en chambre noire.

C’est dans la décennie suivante – les années 1950- que la photographie couleur tourne au phénomène sociologique, adoptée par un cercle toujours plus large d’amateurs. Mais aussi de professionnels qui s’appuient sur les progrès de l’imprimerie industrielle, en particulier pour les magazines.

 

Charles Nicollier

Sauf mention contraire, les autochromes présentés dans l’exposition ont été pris pendant la Fête des Vignerons 1927 par Charles Nicollier (1874-1963). Alors directeur du département d’achats de Nestlé & Anglo-Swiss Condensed Milk Co., ancêtre de l’actuelle société Nestlé, le Veveysan était un habile photographe amateur, à l’aise notamment dans le genre du portrait. Il a aussi beaucoup photographié les montagnes, les glaciers, la flore, le Léman, la région veveysanne et sa propre famille.

Charles Nicollier avait une telle passion de l’autochrome qu’il l’a utilisé jusqu’à la fin des années 1930. Alors même que le procédé subissait la loi des films Kodachrome et Agfacolor et que son développement n’était plus assuré par les laboratoires des frères Lumière. Il développait lui-même ses autochromes dans la chambre noire de sa maison de La Tour-de-Peilz.

Charles Nicollier avait aussi la passion de la marche en montagne, de la voile, de l’aviron, de l’aquarelle et de l’astronomie. Il a initié à l’observation des étoiles son petit-fils Claude, qui deviendra plus tard astrophysicien et spationaute. Charles Nicollier avait épousé Marguerite Peter, fille de Daniel Peter (inventeur du chocolat au lait) et petite-fille de François-Louis Cailler (fondateur de la fabrique de chocolat Cailler). Charles Nicollier, dont la famille maternelle travaillait la vigne à Vevey, était un membre assidu de la Confrérie des Vignerons. Il a pris part aux éditions de 1889, 1905, 1927 et 1955 de la Fête des Vignerons.

Ses autochromes de la Fête de 1927 sont conservés par la Confrérie des Vignerons et par la famille Nicollier.

 

1927 & 1955 – Les premières photos couleur de la Fête des Vignerons

du 4 avril au 1er septembre 2019

Musée suisse de l’appareil photographique

Grande Place 99 – CH-1800 Vevey

www.cameramuseum.ch

 

 

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