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Eugene Richards, le territoire des miséreux

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Depuis plus de quarante ans, le photojournaliste traque la misère sociale, la souffrance et la mort. Une large rétrospective lui est consacrée en haut de la Grande Arche de la Défense à Puteaux, à l’ouest de Paris.

Le clocher est en train de s’effondrer. Des tuiles manquent de tomber et la charpente semble éventrée par les affres du temps. C’est une église abandonnée dans l’Arkansas audevant de laquelle un chien joue à côté d’une tombe mal entretenue… Cette photographie constitue un bon résumé du travail d’Eugene Richards : pointer les lieux du désespoir, le monde des miséreux.

Parce qu’il ne veut pas faire la guerre du Vietnam en 1969, Eugene Richards s’inscrit au service civique. Il va ainsi intégrer VISTA (Volunteers in Service to America) et va participer à la création d’une association à caractère social et d’un journal local dans l’Arkansas. Pour le photographe naissant, c’est alors une mine d’or où il pourra puiser les visages innombrables de la douleur.

Violence

Il y a ces lourdes larmes d’un homme sortant de prison et s’effondrant dans les bras de sa compagne. Portrait en noir et blanc avec une frontalité qui caractérise la patte d’Eugene Richards. Le photographe se colle à ses sujets non sans en faire ressortir toute la violence de la situation qu’il saisit. Aux Etats-Unis, il se glisse chez des marginaux qui s’entassent dans des squats insalubres. Il prend les drogués au crack et les descentes de police qui font rire les habitants de ce quartier délaissé, trop habitués aux contrôles des stups pour ne pas s’en moquer. Aux drogués qui tâtonnent dans le noir d’une chambre délabrée répondent les caïds des quartiers qu’Eugene Richards immortalise, les armes à la main, la pose assumée en tentative d’intimidation.

Cage

En poussant les portes de la pauvreté et du malheur, le photographe s’est logiquement porté vers le monde de la maladie et de la mort. Il ouvre celle d’un hôpital d’un quartier déshérité et récolte des scènes tragiques ainsi que ce cadavre gisant sur un brancard, celui d’une jeune femme, la serveuse d’un restaurant, qui vient de mourir, tuée sous les balles d’un client ivre. Au Mexique, au Paraguay, Eugene Richards pousse la porte des hôpitaux psychiatriques. Il révèle toute la détresse dans laquelle se trouvent les handicapés mentaux, oubliés par le pays, laissés dans la crasse et la brutalité. Un adolescent autiste est enfermé dans une cage. La légende explique qu’il habite dans ce réduit depuis six ans.

Crâne

Tristes, difficiles, les photographies d’Eugene Richards sont aussi celles d’un passionné de ceux qu’on oublie. En témoigne la série que le photographe a réalisé sur les militaires américains blessés ou morts en Irak. Il photographie les gueules cassées : un soldat devenu paraplégique à cause d’une balle reçue dans le dos, un autre qui a perdu la moitié de son crâne, un autre qui a perdu ses deux mains et a le visage brûlé. Eugene Richards les montre chez eux, entourés de leurs proches. Parfois, il photographie les familles de ceux qui ne sont pas revenus. Les obsèques. Un enfant qui monte dans un arbre pour regarder la stèle de son père au milieu d’un cimetière militaire.

Poupée

Sujets douloureux, où perce rarement une lueur d’espoir. Si Eugene Richards photographie avant tout le visage des misérables, il sait aussi rendre de jolis portraits d’enfants qui temporisent quelque peu cette noirceur. A Brooklyn, il y a cette petite fille qui se baigne dans une piscine gonflable dans la cour de son immeuble et qui parvient à rameuter un groupe de garçons qui la regarde. Il y a cette autre petite qui joue avec une poupée ou encore une bande de gosses qui s’amusent sur le capot d’un vieux pick-up au pare-brise éclaté. On se dit qu’ils rêvent et l’espoir est permis.

Jean-Baptiste Gauvin

Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.

 

 

Eugene Richards – The run-of-time – La course du temps
L’arche du Photojournalisme – jusqu’au 10 janvier 2018
Rencontre le photographe, jeudi 26 octobre 2017, 18H30
La Grande Arche,
1 Parvis de la Défense,
92044 Puteaux

www.lagrandearche.fr

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