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Paolo Roversi : « Chaque photo est une rencontre »

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La seconde édition du Photo Vogue Festival, événement international consacré à la photographie de mode et organisé par Vogue Italia, illumine Milan de ses feux du 16 novembre au 17 décembre 2017. Parmi ses manifestations figure l’exposition Storie, consacrée à Paolo Roversi et mise en scène au cœur du Palais royal.

Pour Alessia Glaviano, rédactrice en chef de Vogue Italia et conservatrice de l’exposition, on retrouve toujours chez Roversi « une tendance à l’expérimentation, baignée d’une atmosphère éthérée, un sens de la poésie et de l’ineffable. L’événement est un pendant très intéressant à l’exposition Fashion & Politics, un autre point phare du festival. »

L’Œil de la Photographie a interviewé le célèbre photographe de mode Paolo Roversi pendant le montage de l’exposition au sein des appartements du prince, dans des pièces dont les fresques ont survécu à la Seconde guerre mondiale.

 

Vous avez choisi neuf thèmes pour Storie, un pour chacune des salles accueillant le parcours : comment avez-vous défini son aménagement ?

L’exposition est présentée au fil des neuf salles des appartements du prince. Telle une nouvelle, chaque pièce reflète une facette différente de mon travail. On passe de l’introspectif, peut-être moins connu, aux clichés de haute couture, en passant par les portraits et les nus. J’ai essayé de les scénographier en harmonie avec le charme spécifique à chaque lieu.

On peut également voir votre travail en allant visiter le parcours Incontri, à la Galleria Carla Sozzani/Fondazione Sozzani : les deux installations sont-elles synergiques ?

Elles sont très différentes, bien que complémentaires, et sont représentatives des multiples facettes de mon travail. L’exposition Incontri (rencontres) me tient à cœur, car pour moi, chaque photo est une rencontre, une sorte d’échange entre le sujet et le photographe. Cette sélection montre des œuvres que j’ai produites en collaboration avec le photographe américain Robert Frank. Elle comporte aussi des diptyques et des triptyques, portraits de personnes j’ai rencontrées ou photos qui s’accordent bien, même si je les ai prises dans des lieux et à des moments différents. Chaque photo suit son propre chemin, qui est impossible à prévoir : certaines resteront enfermées dans une boîte, d’autres deviendront des icônes.

Depuis toujours, votre vision esthétique se définit au travers d’une sorte de sens ineffable de la lumière : comment le décririez-vous ? Pensez-vous – pour paraphraser Nadar – qu’il y a également un « sens de la couleur » dans votre travail ?

Eh bien, en matière de photographie, la lumière n’est pas une question de logique ou de mathématique. C’est une affaire de sentiments et de ressenti. Quant à la couleur, elle ne domine jamais dans mes photos. Elle s’adapte au sujet.

Quels sont les facteurs qui font qu’une image devient « la photo » que vous cherchiez ?

La chance joue son rôle, car il y a énormément de variables qui entrent en jeu. Bien sûr, pour une prise de vue, on s’appuie sur la recherche et la technique, mais les photos qui viennent au monde sont toutes différentes les unes des autres. Par ailleurs, c’est le public qui décide de quelle image sera « la » photo.

Pourquoi avez-vous décidé de passer au Polaroid ? Qu’en est-il de la photographie numérique ?

J’ai commencé à travailler en Polaroid (en grand format) dans les années 1980 : c’était comme un coup de foudre. J’ai utilisé cette technique pour sa couleur unique et ses contrastes, comme on peut le voir en regardant les images de l’exposition Storie. En tout cas, c’est devenu ma propre palette. La photographie numérique, c’est différent bien sûr, mais je n’ai rien contre le fait d’expérimenter et de travailler avec d’autres techniques car en fin de compte, il s’agit toujours de lumière.

Quel est le rôle de la créativité et de la technique ? Et quelle est votre relation à vos sujets ?

Dans mon travail et mon imaginaire, l’aspect émotionnel est assez important. L’aspect technique est essentiel, bien-sûr, et sa maîtrise est une condition nécessaire. À titre d’exemple, une technique sonore n’est pas une contrainte, mais un outil de la liberté d’expression. Quant à ce qui se passe entre moi et la personne de l’autre côté de mon objectif, c’est une connexion profonde et une relation qui a du sens. L’acte de prendre les photos se traduit en quelque sorte par un double miroir, où le photographe et le sujet se reflètent mutuellement.

Comment capturez-vous la réalité – vos modèles sont bien réels – tout en réalisant des images aussi vaporeuses et délicates, qui évoquent les fragments d’un rêve ?

La photographie découle uniquement de situations réelles, ce qui n’est pas le cas de la musique ou de la peinture. Les photos consignent de véritables choses. C’est notre façon particulière de prendre une photo qui fait naître une émotion, une impression de rêve, d’immatériel et d’impalpable. Comment l’obtient-on ? Il faut sans doute une nature rêveuse.

L’histoire de la mode est également celle des photographes : le goût esthétique est-il influencé par le travail des photographes ?

L’histoire de la mode et l’histoire de la photographie de mode vont de pair. Au travers de la photographie, la mode devient en quelque sorte un langage figuré. Car elle mêle deux portraits qui n’en forment plus qu’un seul : celui de la femme qui porte une robe et celui de la robe elle-même. C’est cette alchimie qui crée tout l’attrait de la photographie de mode. Pour atteindre ce résultat, il est essentiel de travailler avec des mannequins qui se distinguent par leur propre personnalité et la façon dont elles « interprètent » le vêtement. Telles des actrices, elles jouent un rôle. L’énergie et l’atmosphère unique dont elles rayonnent se transmettent au photographe. Pour moi, ce sont elles, les personnages principaux. Ensuite, le photographe ajoute sa propre vision.

Quelles sont les principales caractéristiques du langage photographique ?

Le langage photographique est universel, tout comme celui de la musique. Il n’a pas besoin d’être traduit ou expliqué ; il s’agit avant tout d’émotion et tout le monde peut le comprendre. Il est étroitement lié au temps qui passe et au souvenir, avec une ambivalence unique en termes de présence et d’absence : si je regarde une photo, je vois une certaine personne, qui est là, dans la photo, mais qui, en même temps est absente car elle se trouve ailleurs. On peut aller encore plus loin avec le souvenir, et examiner les liens entre la vie et la mort, parce que les photos représentent des instants figés dans le temps.

Quelle est votre définition de la beauté ?

Je n’ai pas de réponse à cette question. Je n’en ai vraiment aucune idée. Pour moi, la beauté constitue l’un des mystères les plus grands et les plus profonds. Malgré mes efforts pour la décrire ou y réfléchir, je ne parviens pas à résoudre ce problème. C’est un mystère fascinant et c’est là l’inspiration principale dans mon travail : tout mon besoin d’exprimer mes émotions à travers la photographie découle de mon désir de beauté.

 

Propos recueillis par Paola Sammartano

Basée à Milan, Paola Sammartano est une journaliste spécialisée dans les arts et la photographie.

 

 

Cette exposition est organisée par Vogue Italia et Comune di Milano – Cultura, Palazzo Reale. Catalogue : Skira Editore.

Paolo Roversi: Storie
Photo Vogue Festival 2017
16 novembre au 17 décembre 2017
Palazzo Reale
Piazzetta Reale
20122 Milan
Italie

http://www.palazzorealemilano.it
http://www.vogue.it/photo-vogue-festival/exhibition/2017/10/23/paolo-roversi-stories-palazzo-reale/

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