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L’Œil Invisible voit la forêt et les arbres

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Le photographe et auteur Robert Adams a trouvé une réponse aux dernières lignes de L’Innommable, de Samuel Beckett : « Il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer. »

L’art.

L’art peut nous aider à continuer.

Adams fait partie du monde de la photographie depuis presque cinquante ans, réalisant des images et des textes d’une précision étonnante. Il élève presque la barre trop haut.

Art Can Help (L’art peut aider) est le titre de son nouvel ouvrage, paru aux Presses universitaires de Yale. L’écriture est dépouillée, acérée et souvent brillante. « La beauté est ce qui définit l’art. Elle n’est jamais moins qu’un mystère, mais elle porte en elle une promesse. » Il est impatient et fait peu cas de certains de ses contemporains, dont l’œuvre est « née du cynisme et annonce un nihilisme. » Il adore partager la sagacité d’autres artistes, comme John Baldessari lorsqu’il répond à la question « Qu’est-ce que l’art ? » : « Pas la moindre idée… Pas… la… moindre… idée. »

Les aphorismes peuvent manquer leur objectif, lorsqu’ils se rapprochent surtout de répliques de fortune cookies ou de Magic8Ball : « Peu d’artistes se soucient assez de nous pour risquer de nous aliéner par une image tendue par le désespoir et la fragilité. Une chanson peut parfois dire au-delà des mots. » Hein ? Siri dit : « La réponse est floue. Essaie encore. »

Dans l’ensemble, le lecteur a toutefois envie de lire Adams avec un stylo, pour souligner et savourer des déclarations comme : « C’est ainsi que l’art nous aide. L’harmonie peut renforcer l’impression que la vie a un sens. » Le communiqué de presse de la galerie affirme même que « l’exemple des arbres suggère une harmonie à laquelle il semble juste de rêver. »

Les photographies d’Adams sont cohérentes et frappantes, et présentent une variété de formats et de cadrages étonnante. Ses meilleures photos sont les petites, qui renforcent l’intimité avec le spectateur. Ses photos s’accordent parfaitement au format livre, comme en attestent ses très nombreux ouvrages.

Il parle de lumière. Il aime aussi des mots comme « étonnement », « pureté », « transitoire» ou « rédemption ». Son trajet artistique est une quête. Il aime « l’intensité de la lumière » des peintures d’Edward Hopper, ainsi que le désir de l’artiste de « montrer la lumière ». Il évoque l’« espoir » de Chelsea Milosz, comme une « foi dans la lumière qui se montre à travers des formes terrestres. »

Curieusement, la plus grande force de ces images d’arbres n’est pas dans leur légèreté, mais dans leur densité. Adams aime faire des gros plans sur des massifs de branches impénétrables, des cœurs sombres indéchiffrables. Il semble parfois nier la nature des arbres, lorsqu’il les découpe par le cadrage, empêchant leur cime de respirer dans la lumière en haut de l’image. L’obscurité est au cœur de son travail, qui rejoint celui des photographes français du 19ème siècle qui allaient prendre des photos dans la forêt de Fontainebleau, comme Eugène Cuvelier et Gustave LeGray.

La cohérence de ce survol de quatre décennies à travers plus de trente oeuvres est révélatrice. L’artiste suspend le temps dans ses portraits de trois souches, qui sont d’une gravité plaisante, comme son goût pour les fins, pour ceux qui survivent à des vies pleinement vécues. Ce sont ici des arbres, mais la métaphore est retentissante.

Les images choisies pour le livre sont remarquables, notamment une photo formidable d’Abelardo Morell. Les artistes présentés constituent des choix très personnels, souvent peu communs, comme Robert Benjamin, Mary Peck, ou Sharon Poynter vers la fin du livre.

La route qu’il prend, il la prend à plusieurs reprises, photographiant en chemin, « d’ordinaire là où on s’arrête assez longtemps. »

L’Œil Invisible reconnaît qu’Adams le fait avancer, même avec ses réserves. « Qu’importe le nombre de fois où je vous dirai cela, vous penserez toujours, vous penserez, vous jugerez, et vous jugerez encore, pour parvenir à des conclusions, en essayant d’arriver à comprendre votre vie. Vous devez laisser aller. Totalement, absolument, complètement. Vos devez laisser aller si complètement que vous ne ressentirez plus votre corps, votre esprit, la douleur, rien. »

C’est une quête du sublime.

Selon les mots de l’artiste en 1981, dans son classique Beauty in Photography: Essays in Defense of Traditional Values (La Beauté en photographie : essais en défense des valeurs traditionnelles) : « Être photographe, ce n’est pas faire un catalogue de faits incontestables, mais essayer d’être cohérent dans ses intuitions et ses espoirs… pour être témoin de la splendeur. »

 

W. M. Hunt

W.M. Hunt écrit en tant que L’Œil Invisible. Il est contributeur occasionnel pour L’Œil de la Photographie, dont il a été l’un des premiers soutiens.

 

 

Robert Adams, Art Can Help
Publié aux Presses Universitaires de Yale
$25

https://valebooks.vale.edu/book/9780300229240/art-can-help

 

 

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