Rechercher un article

Lise Sarfati, la rue comme cinéma

Preview

Cela devait être une interview ordinaire, banale. Ce fut un très beau moment. Lise Sarfati est une formidable photographe et un personnage rare. Au cours de ce déjeuner, nous n’abordâmes que très peu le domaine de la photographie. D’abord ce fut le cinéma dans lequel elle puise vraiment ses références : Dziga Vertov, Godard mais surtout Robert Bresson dont elle connaît les films par cœur. Il est rare aujourd’hui de pouvoir passer un déjeuner sur Mouchette et Pickpocket !

Ensuite ce furent ses errances : née à Oran, élevée à Nice, partie à Moscou puis à Los Angeles où elle séjourna jusqu’au mois dernier. Pour la photographie, elle avoue une éternelle reconnaissance à sa mère qui lui offrit pour ses 14 ans la monographie de Diane Arbus publié en 1972 chez Aperture. Puis elle confie quelques mots sur sa démarche photographique, son obsession primordiale de d’abord trouver un décor pour planter sa chambre et d’attendre ensuite qu’il s’y passe quelque chose. L’antinomie totale de la photographie de rue tellement à la mode depuis 50 ans.

A Paris Photo, la Galerie Particulière consacre une exposition à Lise Sarfati. Elle s’intitule Oh Man et nous donne le sentiment d’être n’importe où au centre-ville d’une mégapole des Etats-Unis. C’est une série de dix-sept photographies, quinze en couleur et deux noir et blanc de grand format, réalisée en 2012 et 2013 à Los Angeles. Elle confirme ici son refus du pittoresque romantique. Elle investit la ville de manière personnelle et métaphorique. Elle repense ce qui existe déjà. La série Oh Man crée une sensation trouble : les hommes sont à la fois anonymes et pourtant familiers. Ils sont filmés par des caméras digitales de surveillance et deviennent le détail d’un paysage virtuel. Pour illustrer sa série, Lise Sarfati aime citer Beaudelaire : « Dans certains états de l’âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle toute entière dans le spectacle, si ordinaire qu’il soit, qu’on a sous les yeux. Il en devient le Symbole. »

L’affiche de Paris Photo, le solo show sur le stand de sa galerie, un livre que lui consacre Steidl, un film que l’on tourne sur elle : tout cela l’amuse. En fait, c’est son retour en France qui trouble Lise Sarfati. Comme tout expatrié resté longtemps hors de l’hexagone elle est exaspérée par le comportement des français. Là encore, elle fait référence au cinéma ; à Chabrol, le peintre cinéaste des immobilismes de la société française, des clichés et des lieux communs bourgeois. C’est tellement vrai… Deux très jolies heures. Merci Lise.

Jean-Jacques Naudet

 

Lise Sarfati, Oh Man
Galerie Particulière
Paris Photo
9-12 novembre 2017
Grand Palais
3 Avenue du Général Eisenhower
75008 Paris
France

www.parisphoto.com

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android