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Francis Giacobetti, la photographie à fleur de peau

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L’éditeur Assouline a réuni 200 des plus belles images du photographe Francis Giacobetti dans un livre d’art publié en ce mois d’octobre. Photographe phare du mensuel Lui depuis sa création en 1963, il a non seulement réinventé le nu, mais aussi tout le processus artistique de la prise de vue, en vidéo comme en photographie.

Gouttes d’eau sur peaux bronzées : sous le soleil exactement, au bord d’une plage déserte ou près de l’eau constellée d’une piscine, de jeunes femmes, belles comme des déesses, lascivement allongées – le plus souvent sans autre vêtement qu’une paire de lunettes polarisées, un collier fantaisie ou une cigarette aux lèvres –, s’exposent glorieusement aux regards du ciel tropical et du photographe Francis Giacobetti. Ces femmes sont « à poil », mais on a envie de dire qu’elles sont « à peau ». Car la peau découverte de ces corps impudiquement dénudés brille comme un miroir dans lequel le photographe semble nous inviter à lire notre désir. Plus que jamais, comme dit le proverbe, l’amour est une question d’épiderme. L’amour, et la photographie aussi. « La photogénie, ce n’est pas une question de beauté au sens commun, explique Francis Giacobetti, c’est d’abord une peau, un visage, qui prennent la lumière. Jane Fonda ou Sylvia Kristel, notamment, avaient cette peau qui prend admirablement la lumière : on avait l’impression qu’il y avait une bougie à l’intérieur d’elles. »

Sur une autre image, une femme debout, face à nous, mais dont on ne voit que le torse nu (l’origine du monde selon Francis Giacobetti ?), nous montre elle aussi, avec beaucoup de fierté, la dorure de sa peau et le dessin de ses seins. Un travail pictural qui n’est pas seulement opéré par « le soleil [son] grand copain », comme chantait Brigitte Bardot dans La Madrague – laquelle se découvrit aussi pour l’objectif de l’artiste. Dans toute son œuvre photographique, Francis Giacobetti dessine sur les peaux avec la lumière de son art, comme le soleil dépose ses empreintes sur les corps qui bronzent. La chair de ces femmes aux corps de rêve étincelle sur ces plages des Bahamas, décor de tant de photographies de Francis Giacobetti, pendant vingt-cinq ans pour le magazine Lui ou dans les deux calendriers Pirelli qu’il réalise en 1970 et 1971. Il sera d’ailleurs le seul photographe, avec Richard Avedon et Peter Lindbergh, à avoir eu deux commandes successives de ce support culte de la photo – « le premier calendrier un peu plus pensé que les autres », à ses yeux. Pourtant, l’horizon de ces photos de liberté solaire est sombre, des nuages menacent. Quel drame se joue dans ces images ? Peut-être cette histoire déjà ancienne, mais qui paraît si avant-gardiste dans notre monde redevenu tristement conservateur, et que l’on a appelée dans les années 1960-1970 la « révolution sexuelle ».

 

Jérôme Neutres

Jérôme Neutres est un commissaire d’exposition, un auteur spécialisé en photographie et le président exécutif du Musée du Luxembourg. Ce texte est extrait du livre Giacobetti, paru aux Éditions Assouline.

 

Giacobetti
Publié par les éditions Assouline
85€

http://www.assouline.com/

 

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