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Best of septembre – Biennale des photographes arabes : Interview avec Rania Matar

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Du 13 septembre au 12 novembre 2017 se tient à Paris la deuxième édition de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain. Plusieurs lieux s’associent et proposent des expositions complémentaires. Dans une interview à L’Œil de la Photographie, la photographe Rania Matar, exposée à l’Institut du monde arabe (IMA), évoque son travail.

 

Comment en êtes-vous venue à travailler sur les adolescentes ? 

C’est un âge fascinant. C’est une période relativement courte dans la vie, mais elle nous marque tous à un certain niveau. Je me souviens encore de ces années faites d’émotions mélangées. J’ai aussi des filles de l’âge des filles que j’ai photographiées dans ce travail. A Girl and Her Room (Une fille et sa chambre), mon projet précédent, a été inspirée par ma fille âgée de 15 ans et par L’Enfant-Femme par mon autre petite fille de 11 ans. La majeure partie de mon travail est de nature autobiographique, il suit mes propres filles à travers leurs états de vie et de transformation.

Pourquoi les filles plutôt que les garçons ? 

Je suis l’une d’elles. Je suis une femme, et j’étais une fille. J’ai traversé tout ce qu’elles vivent et je me souviens encore vivement de toutes ces transformations. J’ai aussi un accès aux filles et aux femmes au Moyen-Orient. Il est devenu particulièrement important pour moi – en vivant aux États-Unis – de raconter leur histoire et de présenter un récit différent de ce qui transparait dans les médias, qui tend à être unidimensionnel. J’ai commencé à photographier les filles et les femmes dans les deux cultures occidentale et orientale pour évoquer notre humanité partagée et notre universalité.

Est-ce la dimension sociale et historique, voire anthropologique, qui vous guide et à laquelle votre photographie est étroitement associée ?

Mon travail aborde les états de « devenir » : la puberté, la croissance, la vulnérabilité, la fragilité corporelle, l’image corporelle, la force, l’imperfection, la féminité. Tout en cherchant toujours à révéler l’individualité de chaque jeune femme qui pose devant moi, je souligne également les similitudes sous-jacentes plutôt que les différences apparentes.

Un autre élément essentiel de mon travail est la représentation féminine dans l’art, en particulier la représentation des femmes du Moyen-Orient. Les artistes qui travaillent au Moyen-Orient doivent constamment combattre les « visions orientalistes » qui restent enracinées dans l’inconscient collectif de l’Ouest. Les problèmes dominants entourant les conflits, la guerre ou les femmes couvertes par les hijabs (voiles) continuent de valider les stéréotypes. Mon travail reflète plutôt le quotidien de jeunes femmes orientales.

À l’IMA, vous exposez des portraits réalisés au Liban et réalisés dans des univers très différents. Avez-vous senti la même disponibilité et le même intérêt chez les jeunes issues des milieux aisés et celles qui appartiennent à des familles de réfugiés ?

Il est important pour moi de donner un visage aux différentes communautés du Liban. Le Liban est un pays minuscule mais doté d’une variété religieuse et économique. C’est ce qui rend le Liban compliqué, mais unique et spécial. Ce travail porte également sur ma propre identité : en plus d’être libanaise et américaine, je suis aussi palestinienne. Il est ainsi essentiel pour moi de représenter la communauté des réfugiés palestiniens au Liban, souvent ignorée et où une quatrième génération nait en ce moment dans les camps. Les jeunes femmes dans ces camps peuvent vivre dans des conditions défavorisées, mais elles sont tout aussi belles et importantes que toute autre jeune femme, et elles ont des aspirations similaires. Je voulais leur donner un visage et une voix – tout autant que d’autres communautés au Liban.

Que constatez-vous dans l’intervalle entre les deux portraits d’une même jeune fille ?

L’évolution est très intéressante car les changements sont personnels et individuels : les filles passent à la puberté et voient leur corps se transformer. Certaines filles, qui étaient confiantes et assurées à 9 ou 10 ans, semblent plus réservées et conscientes vers 12 et 13 ans. D’autres, qui ont l’air gênés à 10 ans, semblent confiantes en embrassant leur féminité. Il est également important d’observer les nombreuses émotions et expressions corporelles dans chaque photographie. Ce n’est pas simple. Souvent, le langage du corps dit une chose et le regard une autre. Parfois, la pose peut renvoyer de la confiance, mais quand on regarde de près, on peut voir autre chose dans l’attitude comme un détail qui suscite la nervosité ou la maladresse. C’est ce qui rend ce projet si fascinant.

Qu’en est-il de la liberté vestimentaire ?

Je laisse les filles choisir quoi porter et comment se présenter. La seule instruction que je leur donne est de ne pas sourire. Je les laisse poser comme elles veulent.

Quel rôle joue la couleur dans ce travail ?

La couleur est importante dans ce travail, car les couleurs que les filles choisissent de porter font également partie de ce qu’elles sont et comment elles choisissent de se représenter elles-mêmes.

 

 

Biennale des photographes du monde arabe contemporain
Du 13 septembre au 12 novembre 2017
Institut du monde arabe – Maison Européenne de la Photographie – Cité internationale des arts – Mairie du 4e arrondissement – Galerie Binome – Galerie Clémentine de la Féronnière – Galerie Photo12 – Galerie Thierry Marlat.
Paris, France

http://biennalephotomondearabe.com/

 

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