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Jean Charles Gutner, Era Angola

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Exercice difficile que celui de la mémoire, douloureux quelquefois. Voilà près de 20 ans déjà que ces photographies, aujourd’hui publiées dans ce livre, ont été réalisées en Angola, pays d’Afrique australe, terre d’extension de la guerre froide depuis son indépendance en 1974.

Fin 1992, le gouvernement communiste du MPLA et la guérilla de l’Unita, soutenue par les Etats-Unis et ses alliés, replongeaient dans un conflit fratricide après le refus de Jonas Savimbi, leader de l’Unita, d’accepter le résultat du premier tour des élections, perdues par son parti, et l’éventualité, pour lui, d’occuper un poste de vice-président au sein d’un gouvernement d’union nationale. Sa mort en 2002, alors qu’il est isolé et lâché par ses anciens alliés, trop contents de plonger leurs gamelles dans les nouvelles ressources pétrolières du gouvernement MPLA et de réduire ainsi leur dépendance vis-à-vis des pays arabes, mettra fin à 28 années de guerre. Le 11 septembre 2001 était passé par là.

Au sortir d’un reportage sur l’Algérie durant les évènements avec la mouvance islamiste FIS, j’ai couvert la guerre civile angolaise pour l’Agence France Presse (AFP) et Associated Press (AP) de mars 1993 jusqu’en 1995. Un « tour de piste » qui s’est terminé en 1997 à l’est du Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), en filmant la participation décisive des Forces armées angolaises à la chute du dictateur et allié de l’Unita, Mr Mobutu. Une partie de ces images ont notamment été diffusées par Canal+ en France, dans un documentaire. J’ai également, durant cette période, collaboré avec l’agence Reuters, RFI et autres radios d’informations internationales.

En 1993, les photographes étrangers n’étaient pas les bienvenus pour couvrir la guerre en Angola, que ce soit du côté du gouvernement du MPLA ou que ce soit auprès de l’Unita. La suspicion, la volonté de tenir à distance la presse étrangère et l’éloignement des fronts, seulement accessibles par hélicoptères militaires et avec une accréditation de la sécurité militaire. Dans ce pays deux fois et demi plus grand que la France, ces conditions rendaient hasardeuses et extrêmement difficiles les reportages. Et il était moins onéreux à l’époque, pour une rédaction, d’envoyer aux portes de l’Europe une équipe en voiture couvrir le conflit qui ensanglantait l’ex-Yougoslavie, plutôt que de payer des billets d’avion et des nuits d’hôtel à des prix astronomiques, dans l’hypothèse d’éventuelles images sur la guerre en Angola. Enfin, encore une guerre en Afrique ! Rien de nouveau donc sous le soleil du berceau de l’humanité.

Je passerai les épisodes de menaces physiques, de surveillance, d’interception de rouleaux photographiques aux aéroports qui, effectuées d’un côté comme de l’autre, ont jalonné ces années de reportage, comme sur le doute que certaines personnalités doivent toujours, encore aujourd’hui, entretenir quant à mon amour pour ce pays et sa culture. Les anciens réflexes de la guerre froide ont la vie dure.

L’Angola vit, depuis la fin du conflit, une période de paix et de prospérité. Je souhaite que celle-ci demeure définitivement dans ce pays, loin des appétits voraces des puissances politiques et financières étrangères. Le gouvernement a heureusement gagné la guerre, je souhaite sincèrement qu’il ne perde pas la paix.

La guerre ne grandit pas les hommes, elle les détruit et bien présomptueux celui qui en tire gloire ou profit, car l’écho des morts résonnera toujours dans le balancier de sa mémoire.

 

Jean Charles Gutner 

Jean Charles Gutner est un photojournaliste français. Il vit en Picardie et travaille sur les routes du monde.

 

 

Jean Charles Gutner, Era Angola
Autoédition
29€

http://www.escourbiac.com/era-angola/

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