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Le pouvoir des images

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Urs Stahel est conservateur de la galerie d’images MAST et commissaire de l’exposition présentée dans les locaux de MAST à Bologne « The Power of Images MAST Collection: an iconic selection of photographs on industry and work », un assemblage de photographies dédiées à l’industrie et au travail. Il dit : « Lorsque les yeux et les pensées puisent au réservoir des images du passé, quand les liens se font entre passé et présent, production et consommation, humain et machine, usine et société, c’est à ce moment-là seulement que volent les étincelles et que les archives et collections commencent à nous raconter leurs histoires et nous électrisent, dévoilant les trésors d’information et les univers d’imagerie qu’elles recèlent. »

Le parcours de cette exposition comporte plus d’une centaine de photographies prises par soixante-sept auteurs, des années 1920 à nos jours. Elles documentent l’évolution de notre société depuis la Révolution industrielle, analysant l’environnement industriel et technologique ainsi que le système productif et les questions sociales. Parmi les célèbres photographes qui les ont prises se trouvent Berenice Abbott, Richard Avedon, Margaret Bourke-White, Jim Goldberg, Germaine Krull, Edgar Martins, Rémy Markowitsch, Edward Steichen, Thomas Struth et Marion Post Wolcott. Les clichés proviennent des archives MAST et font écho au thème « Time Maps, archive, future », leitmotiv du festival Fotografia Europea 2017 organisé à Reggio d’Émilie et dont MAST est partenaire.

Pour Urs Stahel, l’univers iconographique connecté au monde industriel « est imprégné du concept de la multiplicité, avec une multitude de niveaux, de chronologies et d’atmosphères qui s’entrecoupent ou se déploient en parallèle – comme par exemple l’homme sur sa cariole tirée par un âne, pris devant une usine par Pepi Merisio. »

De même, poursuit-il, les collections et « les archives sont semblables à d’immenses léviathans silencieux. Ils ne se réveillent pour commencer à parler que lorsqu’on leur pose une question, qu’on leur insuffle la vie en les regardant sous un certain angle, en apportant la vitalité de notre intérêt. C’est-à-dire, lorsque leur potentiel se déplie dans notre présent – en somme, une fois qu’on les a activés. Chaque archive a sa propre histoire, son propre système fait d’ordre et de désordre. Elle obéit à ses propres règles structurelles. Et pourtant au sein de cet ordre, les photographies jouent un rôle avant tout descriptif. En d’autres termes, une photographie établit le portrait d’un sujet donné et le représente dans un contexte particulier. »

C’est ce qu’on appelle un point de vue strictement descriptif. La photographie détient également un impact esthétique, un pouvoir d’évocation visuel. Pour Urs Stahel, « une photographie peut faire bien plus que décrire. Elle nous affecte sur un plan émotionnel et transmet deux, trois ou même quatre messages différents à la fois. Et ce sont des messages connotatifs, chargés eux-mêmes de significations supplémentaires. » Les photographies sont en quelque sorte des images polysémiques. Lorsque leur contenu, leurs références et leurs dénotations s’accompagnent d’intensité émotionnelle et de puissance picturale, elles absorbent et renvoient une force incomparable. L’exposition « The Power of Images » tente de retracer ces qualités supplémentaires de la photographie. C’est ce que l’on retrouve par exemple dans High noon, Dhaka dump, Bangladesh, une œuvre tirée de la série Open See de Jim Goldberg : sur une vaste plaine formée de déchets, un « garde » surveille consciencieusement le tri des ordures matérielles et des cadavres d’animaux, le tableau formant à la fois un descriptif de notre société de consommation et un avertissement.

L’exposition peut se ressentir à partir de nombreuses perspectives et nous permet de suivre le cheminement historique de la production industrielle : tout d’abord, avec des images dédiées au fer comme matériau brut principal d’une certaine ère industrielle (Germaine Krull, Berenice Abbott, Nino Migliori, Takashi Kijima), suivies de photos de caoutchouc et de matières plastiques, avec la toute récente désindustrialisation qui a par exemple affecté le district Kodak à Rochester (Catherine Leutenegger), et enfin l’intangibilité, l’invisibilité des flux de données numériques (Henrik Spohler).

« Même les plus grandes innovations ne peuvent protéger contre le déclin », déclare Urs Stahel. Et par conséquent, puisque le progrès ne s’arrête jamais, on peut imaginer que la photographie représente à la fois notre mémoire et un point de départ, à partir duquel on peut marcher vers le futur, en toute conscience. »

Paola Sammartano

Paola Sammartano est journaliste. Spécialisée en art et en photographie, elle est basée à Milan.

 

 

The Power of Images MAST Collection: an iconic selection of photographs on industry and work
3 mai – 24 septembre 2017
MAST.Gallery
via Speranza 42
40133 Bologna
Italie

http://www.mast.org/

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