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Michele Mattei, The First Ladies (Les premières dames)

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L’exposition First Ladies, qui se tient à la galerie Cross MacKenzie, suit la voie du succès de Fabulous, exposition solo de quatre mois au National Museum of Women in the Arts de Washington DC. Ces deux projets sont nés d’une série que j’ai développée ces quinze dernières années consacrée à des femmes extraordinaires ayant apporté une contribution signifiante dans les domaines des arts, des sciences, et de la justice sociale. Intitulée The Rebel Age, elle intègre un livre à venir.

Nous vivons une époque de changements nécessaires. Aujourd’hui plus que jamais, il s’avère fondamental de partager les vies, les forces et la sagesse de ces femmes extraordinaires, sources d’inspiration aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles ne l’ont toujours été. Elles ont dessiné les contours du monde dans lequel nous vivons, se sont battues pour le droit de vote des femmes, les droits génésiques, l’égalité des salaires, et se sont élevées contre le harcèlement sexuel et la violence faite aux femmes.

Elles ont voulu défaire les mythes et les croyances quant aux femmes persistant depuis des centaines d’années. Leur chemin a été long. Il l’est encore.

J’ai commencé à penser au projet The Rebel Age au début des années 1990, peu de temps après avoir eu quarante ans. Tout juste divorcée, seule à Los Angeles avec de jeunes enfants, je me posais sans cesse cette question : à quoi cela allait ressembler, de vieillir dans une société où trente ans est le début de la fin ? Comment serai-je à 70 ans, comment me verra t-on, m’entendra t-on. M’estimera t-on encore pertinente ?

J’ai cherché des modèles, des femmes qui ont fait la différence, vécu leur vie à leur propre rythme, et qui sont restées créatives jusque dans les dernières années de leur vie. Je me suis mise à photographier et interviewer des femmes que j’avais toujours admirées, découvrant ce qui les motivait et les inspirait pour poursuivre et défendre ce en quoi elles croyaient.

Bien plus qu’une recette pour vieillir, j’ai découvert les engagements de toute une vie : être le meilleur soi possible, continuer à inspirer et être inspirée, à défendre ses convictions contre les conventions, contre l’autorité et les croyances de la société. Au fil de quelques vingt années, j’ai rencontré des auteurs, des activistes, des artistes, des femmes d’affaire. Ce projet est devenu l’une des aventures les plus extraordinaires de ma vie.

En 1998, j’ai photographié Beatrice Wood, artiste porteuse de l’Avant-Garde, amie de Marcel Duchamp surnommée “La mère de Dada”, premier jalon sérieux d’une série de femmes qui ont vécu comme elles l’entendaient. Elle devait bien avoir quelques astuces pour vivre sa vie le plus pleinement possible jusqu’à son dernier souffle. Lorsque je lui ai rendu visite à son studio d’Ojai, trois mois avant sa mort à l’âge de 103 ans (certains disent 105), elle travaillait toujours à son four. Elle vivait avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle et déclarait à qui voulait l’entendre qu’elle devait sa longévité aux jeunes hommes et au chocolat – pas nécessairement dans cet ordre.

J’ai rencontré quelques mois plus tard Ruth Handler, créatrice de Barbie, première poupée américaine avec un corps d’adulte, grande travailleuse, puis Betty Friedan, “femme au foyer” auteure de The Feminine Mystique (La Mystique féminine), devenue l’une des pionnières du Mouvement des Femmes. « A mon âge », disait-elle, « on a le choix  entre se masturber, devenir lesbienne, ou partager ! ». Quand je lui ai demandé ce qu’elle avait choisi, elle m’a répondu : « Je partage ! »

Est arrivée ensuite Jane Russel, star du cinéma actrice dans Calamity Jane et Les Hommes préfèrent les blondes, avec Marilyn Monroe. Elle a fondé en 1955 le Fond Mondial d’Adoption Internationale (World Adoption International Fund, WAIF), et aidé à l’adoption par des Américains de milliers d’enfants nés à l’étranger. Un certain tournant dans une carrière de star.

Lorsque j’étais à New York, j’ai rendu visite à Muriel (Mickie) Siebert, première femme à entrer à la Bourse de New York, prenant place parmi 1365 hommes. Nous avons parlé de politique, et de l’évolution du rôle de la femme dans la société.

Sont venues ensuite Louise Bourgeois, Agnes Martin, Grandes Dames des Arts, Dolores Huerta, la première femme latino américaine qui a cofondé avec Cesar Chavez l’Association Nationale des Ouvriers Agricoles. A l’âge de 85 ans, elle continue à protester contre les pratiques injustes du milieu et contre toute forme d’inégalité. Elle est fière de raconter qu’elle a été arrêtée vingt-deux fois et continue à tenir les comptes. Elle a fait sienne la phrase : « Sí, se puede » – « Yes, We Can ! » Trois mots qui racontent son histoire.

J’ai aussi interviewé Helen Gurley Brown, qui a écrit à l’âge de quarante ans Sex and The Single Girl (Le Sexe et la Fille célibataire). Elle a été rédactrice en chef de Cosmopolitan pendant 32 ans. Elle m’a reçue en 2001, dans une mini robe rose bordée de fourrure rose. Lorsqu’elle est devenue octogénaire, elle a émis une nouvelle plainte dans le domaine du sexe : « C’est de plus en plus difficile : il faut apporter la luge et nourrir les huskies. » C’est elle qui, en 1972, a fait s’allonger Burt Reynolds nu sur une couverture de fourrure pour la première double page centrale de l’histoire consacrée à un homme.

On peut dire que le prosaïque a rencontré le sublime. Rien chez ces femmes ne correspondait aux apparences. La plupart étaient vêtues de façon classique et avaient une main de fer dans un gant de velours, mais elles étaient toute extraordinairement performantes : elles ont assuré la place de la femme dans la société, et brisé les échelles hiérarchiques.

Il n’y a pas de femme à la tête du gouvernement, mais nous avons de nombreuses Premières Dames. Trois femmes secrétaires d’Etat : Madeleine Albright, Condoleeza Rice, Hillary Clinton. Une formidable Première Dame : Michelle Obama, qui s’est battue pour ce qui lui semblait vrai et juste. Janet Yellen, Chair du Conseil d’établissement du Système de Réserve Fédéral. Trois femmes à la Cour Suprême : les juges Sonia Sotomayo, Elena Kagan et Ruth Bader Ginsburg. Nancy Pelosi, leader de la minorité à la Chambre des Représentants est la femme politique de plus haut rang aux Etats-Unis.

Je suis curieuse de savoir ce que seront les futures générations. Se frapperont-elles la tête contre les murs ou vont-elles briser les hiérarchies ? Laisseront-elles remettre en question certaines victoires du siècle passé ? Qui devront-elles être pour tout avoir, tout faire et être qui elles veulent ? J’espère que la vie et la sagesse de ces femmes serviront de phares pour les générations à venir.

Michele Mattei

 

Michele Mattei, The First Ladies (Les premières dames)
Du 13 janvier au 28 février 2017
Cross MacKenzie Gallery
1675 Wisconsin Avenue
Washington DC, NW 20007
USA

www.crossmackenzie.com

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