Rechercher un article

Interview avec Ryan McGinley : Nudists of the subterrain

Preview

ANDREA BLANCH: Depuis 2004, vous avez pris la route tous les ans. Comment cette façon de travailler a-t-elle pu rester passionnante pendant plus de dix ans?

RYAN MCGINLEY: Le paysage américain est vaste. J’ai passé plusieurs étés à explorer des dunes de sable dans le Colorado, l’Utah et le Nouveau Mexique. J’ai passé pas mal de temps dans la forêt tropicale de l’Etat de Washington, et pris des photos en longeant la région de la baie en Oregon, en remontant jusqu’à Seattle (Etat de Washington). J’ai visité des grottes à travers toute l’Amérique. Cela m’a pris presque deux ans parce que je m’y suis tellement impliqué, en explorant tous les réseaux de différents environnements souterrains.

ANDREA: Y a-t-il une qualité que vous recherchez sur les lieux de vos photographies?

RYAN: C’est vraiment le paysage qui m’inspire avant tout. Et puis c’est aussi tout simplement le désir d’explorer un endroit où je ne suis jamais allé. Dans mon enfance je n’ai jamais vraiment voyagé. Nous étions huit enfants, donc nous n’avions jamais les moyens d’aller nulle part. Quand je me suis mis à voyager, c’était excitant pour moi parce que je n’avais vu ce genre de choses qu’au cinéma.

ANDREA: Vous avez cette série de nus d’hiver dans des paysages de glace. Comment ce travail s’est-il passé en coulisses?

RYAN: Je pense que les gens qui veulent faire partie de mes projets s’y dévouent complètement. Je fais tout ce qu’il faut pour être sûr qu’ils ne souffrent pas. Pour la série d’hiver, la première chose que nous avons faite était de faire venir un sauna. C’était une tente de pêche sur glace assez grande pour quatre modèles à la fois. Et lorsque nous partions sur un lieu de tournage, nous portions tous des vêtements d’hiver, donc nous étions tous bien équipés.

ANDREA: Y t-il eu des défis surprenants ou inattendus à relever pendant ce genre de prises de vue?

RYAN: Il y a eu une tempête de neige inattendue, mais qui a pratiquement joué en notre faveur. J’ai été un snowboarder amateur pendant des années, c’est comme ça que j’ai grandi dans le New Jersey, donc je connais assez bien les conditions hivernales. En 2009, le New York Times m’a embauché pour photographier les Jeux Olympiques d’Hiver: j’ai donc appris à prendre des photos dans un climat froid, à garder les gens au chaud et à travailler dans ce type de paysage.

ANDREA: Votre premier travail était plus documentaire, et maintenant il demande beaucoup plus de logistique et de planning. Vous avez dit que votre travail récent ressemble à un tournage de film. Pouvez-vous en dire plus?

RYAN: A mes débuts je travaillais seul, et je photographiais ce qui se passait dans ma vie tous les soirs dans le quartier d’East Village à New York. En 2004, je me suis vraiment mis à voyager. Un de mes amis, Mike Mills, tournait un film, « Thumbsucker », et il m’a demandé de venir sur le plateau et de prendre des photos. J’ai découvert comment on travaille en équipe, et cela m’a vraiment passionné. Je me suis dit que je voulais travailler de cette façon. Mike m’a dit, « Ryan, tu devrais faire un film. Tu serais un grand cinéaste. Tu devrais le faire; Ecris un script et fais-le. « Et je me suis dit, » Oui, je vais le faire.  »

ANDREA: Avez-vous jamais eu envie d’aller prendre des photos sans tous ces préparatifs et cette logistique?

RYAN: J’aime travailler sous pression. J’aime planifier et engager des gens. Après, on est obligé de mener le projet à bien. Beaucoup d’artistes souffrent de procrastination, et je pense qu’avoir une équipe me met le feu au cul.

ANDREA: Comment en êtes-vous venu au thème principal de votre travail, photographier des nus?

RYAN: J’ai commencé à prendre des photos fin 1998, et à cette époque je n’avais pas étudié la photographie. J’explorais mes possibilités et je photographiais ma famille, l’architecture et mes repas. Je me baladais dans New York et je photographiais des graffitis et mes amis. Je vivais à Bleecker Street avec une fille qui était une dominatrice. Elle prenait une grande liberté avec son corps et elle a été la première personne à être d’accord pour poser nue devant mon appareil photo. Je n’ai même pas eu besoin de le lui demander; elle aimait simplement s’amuser, danser et être sexy. Et c’était vraiment formidable pour moi d’explorer tout cela.

ANDREA: Comment avez-vous vécu votre début de carrière?

RYAN: Les cinq premières années, je crois qu’en un sens je faisais partie de l’histoire de l’East Village de New York, qui s’étend depuis la 14ème rue jusqu’à Canal Street. Je voulais trouver ma voie –publiquement, car j’ai eu du succès très jeune. Je faisais partie de l’entourage d’Allen Ginsberg et de Larry Clark: je photographiais leurs groupes d’artistes. Comme la plupart des artistes, je photographiais ma tribu, et tout le monde essayait de comprendre comment devenir un artiste. Bien sûr, la plupart des artistes étaient défoncés, sortaient tous les soirs et passaient toute la nuit dehors. Nous étions une famille très insulaire, occupés à essayer de comprendre comment gagner notre vie et comment vivre en tant qu’artistes.

ANDREA: Quelles sont les personnes ou les choses qui vous ont inspiré dans vos débuts?

RYAN: Au départ, j’ai été vraiment inspiré par Badlands et Days to Heaven de Terrence Malick. Ensuite, il y a eu certains livres [de photo] qui m’ont inspiré, comme Theater of Manners par Tina Barney. J’ai adoré ce livre et je le regardais tout le temps. Elle a une vision si profonde de son monde. Un autre livre que je regardais quand j’étais jeune c’était All of a Sudden de Jack Pierson. Je pense que ceux qui m’intéressaient étaient des gens qui avaient un regard particulier sur un très petit monde.

ANDREA: Pouvez-vous décrire votre atelier?

RYAN: Mon atelier est dans le quartier chinois [Chinatown, à New York]. Je l’ai depuis 2004. Avant cela, j’avais juste mon appartement dans l’East Village, et toutes mes photos étaient entassées sous mon lit. Dans mon atelier je dispose d’une très grande bibliothèque qui prend presque toute la place, avec des livres de photo et des livres d’art. L’arrière de l’atelier est l’endroit où j’ai photographié mes modèles pour ma série « Yearbook »; la pièce est pleine de papiers de couleur et de matériel d’éclairage. Tous les murs sont aimantés, pour que nous puissions facilement déplacer les photos et regarder différentes photos tirées dans des formats divers.

ANDREA: Pensez-vous que vous puissiez garder votre intégrité artistique en faisant des travaux commerciaux?

RYAN: Il s’agit toujours d’une collaboration. Évidemment, quand je travaille sur mes propres photos, c’est uniquement ma vision. Je collabore toujours avec quelqu’un pour trouver quelques idées, mais dans le cas d’un travail pour une marque, on se rencontre au milieu. Je dirais que c’est 50/50. Dans le cas d’une commande, je suis toujours conscient qu’il s’agit de concilier leur vision et la mienne.

ANDREA: Maintenant que vous avez eu l’occasion d’évaluer vraiment l’ensemble de votre travail, y a-t-il une image ou une série que vous aimez particulièrement?

RYAN: Je pense qu’il y a deux séries de travaux, les grottes et les photos de glace, car ce sont des sujets que je n’avais jamais vus en photographie avant, et j’avais le sentiment qu’ils étaient vraiment originaux. Je fais beaucoup de recherches pour trouver la direction de mon travail, et pendant des années j’ai fait des recherches sur des photos de personnes dans des paysages durant les différentes saisons. Je n’avais jamais vu de photos de grottes avec des gens nus dedans, ou même de photos de grottes tout court.

Interview d’Andrea Blanch

Andrea Blanch est la fondatrice et rédactrice en chef de Musée Magazine, une publication spécialisée en photographie basée à New York; et une photographe de mode et de fine art.

Cette interview a été publiée dans le numéro 15 de Musée Magazine, en juillet 2016.

http://museemagazine.com/

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android